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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/70

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vous disiez la vérité qu’on exige de vous sur le livrr rn qurstion[1], ou plutôt dont il n’est plus question.

Un de mes amis[2], très-connu, ayant fait imprimer ce livre en Angleterre, uniquement pour son profit, suivant la permission que je lui en avais donnée, vous en fîtes, de concert avec moi, une édition en 1730[3].

Un des hommes les plus respectables[4] du royaume, savant en théologie comme dans les belles-lettres, m’avait dit, en présence de dix personnes, chez Mme de Fontaine-Martel, qu’en changeant seulement vingt lignes dans l’ouvrage il mettrait son approbation au bas. Sur cette confiance, je vous fis achever l’édition. Six mois après, j’appris qu’il se formait un parti pour me perdre, et que, d’ailleurs, monsieur le garde des sceaux ne voulait pas que l’ouvrage parût. Je priai alors un conseiller[5] au parlement de Rouen de vous engager à lui remettre toute l’édition. Vous ne voulûtes pas la lui confier : vous lui dîtes que vous la déposeriez ailleurs, et qu’elle ne paraîtrait jamais sans la permission des supérieurs.

Mes alarmes redoublèrent quelque temps après, surtout lorsque vous vîntes à Paris. Je vous fis venir chez M. le duc de Richelieu ; je vous avertis que vous seriez perdu si l’édition paraissait, et je vous dis expressément que je serais obligé de vous dénoncer moi-même. Vous me jurâtes qu’il ne paraîtrait aucun exemplaire, mais vous me dîtes que vous aviez besoin de 1,500 livres[6] ; je vous les fis prêter sur-le-champ par le sieur Pasquier, agent de change, rue Quincampoix, et vous renouvelâtes la promesse d’ensevelir l’édition.

Vous me donnâtes seulement deux exemplaires, dont l’un fut prêté à Mme de ***, et l’autre, tout décousu, fut donné à François Josse[7], libraire, qui se chargea de le faire relier pour M. d’Argental, à qui il devait être confié pour quelques jours.

François Josse, par la plus lâche des perfidies, copia le livre, toute la nuit, avec René Josse, petit libraire de Paris, et tous deux

  1. Lettres philosophiques.
  2. Thieriot.
  3. Une note de Jore dit : « C’est en 1731. » Voyez l´avertissement de Bouchot, tome XXII, page 75.
  4. L’abbé de Rothelin ; voyez la lettre 309.
  5. Cideville ; voyez les lettres qui lui furent adressées, par Voltaire, en juin et juillet 1733.
  6. « Elles m’avaient été prêtées pour quatre mois, et je les ai acquittées au bout de deux. » (Note de Jore.)
  7. Jean-François Josse, à qui fut adressée la lettre 310.