Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/18

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il est obligé de dire ces paroles décisives : « L’hypothèse des tourbillons contredit absolument les phénomènes astronomiques, et cette hypothèse sert bien plus à troubler les mouvements célestes qu’à les expliquer. » Il renvoie donc le lecteur aux forces centripètes.

Voilà la seule fois qu’il parle de Descartes, sans même le nommer. Et, en effet, que pourrait-il avoir à démêler avec Descartes, qui n’a jamais rien expliqué mathématiquement, si vous en exceptez sa Dioptrique, de laquelle il n’a pu même connaître tous les vrais principes ? Ce n’est pas tout, il faut voir cette belle démonstration du théorème 20e du livre IIIe où Newton prouve que la vélocité d’une comète dans son espèce de parabole est toujours à la vitesse de toute planète circulant à peu près dans un cercle, en raison sous-doublée du double de la distance simple de la comète.

Selon ce calcul, si la terre, par son mouvement horaire, décrit 71,675 parties de l’espace, une comète, à la même distance du soleil dont la vitesse sera à celle de la terre comme la racine 2 est à 1, parcourra dans le même temps plus de 100,000 parties de l’espace. Ensuite, considérant que les comètes qui se trouvent dans la région d’une planète quelconque vont toujours beaucoup plus vite que cette planète, il suit de là très-évidemment qu’il est de toute impossibilité que le même tourbillon, la même couche de fluide, puisse entraîner à la fois deux corps qui circulent avec des vitesses si différentes.

Remarquons ici que Newton, à l’aide de la seule théorie de la gravitation, détermina le lieu du ciel où la comète de 1681 devait arriver à une heure marquée, et les observations confirmèrent ce que sa théorie avait ordonnée[1].

Il détermina de même quel dérangement Jupiter et Saturne devaient éprouver dans leur conjonction, et ces deux planètes subirent le sort que Newton avait calculé. Certainement il était bien impossible qu’il se fût trouvé là un tourbillon qui eût approché Saturne et Jupiter l’un de l’autre. Un torrent fluide circulant entre ces deux planètes immenses eût produit un événement tout contraire. Ce serait donc en effet violer toutes les lois du mécanisme qu’on réclame, ce serait admettre en effet des qualités occultes que d’admettre des tourbillons occultes qui ne peuvent s’accorder avec aucune loi de la nature.

  1. Cette comète est celle de Halley. Elle revint en 1759, retardée légèrement par les perturbations de Jupiter et de Saturne. Sa période est de 70 ans environ. On l’a revue on 1835. (D.)