Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/254

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1132. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[1].

Eh bien, saint Michel, vous écrasez donc le dragon Desfontaines ! Grand merci, protecteur des justes !

Si l’abbé de Breteuil[2] est par votre moyen conclaviste de votre oncle, vous serez l’ange de tout le monde. Je peux vous assurer que M. le cardinal de Tencin ne peut s’attacher à un homme plus aimable, qui sache mieux ce qu’il faut savoir, et qui soit plus capable de faire ce qu’il faut faire.

Adieu, cher ange, je baise aussi le bout des ailes de votre angélique moitié avec bien du respect.


1133. — À M. THIERIOT.
À Cirey, le 13 avril.

Ma santé est toujours bien mauvaise, quoi qu’en dise Mme  du Châtelet ; mais ce n’est que demi-mal, puisque la vôtre va mieux, Mme  la marquise vous a demandé le Coup d’État[3], que je crois de Bourzeis, et l’Homme du Pape et du Roi, que je crois du bavard Silhon. Nous attendons aussi le Dèmosthène grec et l’Euclide. Il est triste de quitter ces lectures et Cirey, pour des procès et pour les Pays-Bas. Je vous demande instamment de remercier pour moi Varron-Dubos ; je voudrais être à portée de le consulter. Cet homme-là a tous les petits événements présents à l’esprit comme les plus grands. Il faut avoir une mémoire bien vaste et bien exacte pour se souvenir que M. de Charnacé[4] commandait un régiment français au service des États. La mémoire n’est pas son seul partage ; il y a longtemps que je le regarde comme un des écrivains les plus judicieux que la France ait produits.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François. Ces éditeurs ont réuni cette lettre à celle qui forme le n° 1098. Il y a là évidemment deux lettres distinctes. Pour la date de cette dernière, voyez les lettres de Mme  du Châtelet à d’Argental du 12 et du 15 avril. Elle a été écrite nécessairement dans l’intervalle de ces deux lettres.
  2. Frère de Mme  la marquise du Châtelet.
  3. Cet ouvrage est de Jean Sirmond, l’un des premiers membres de l’Académie française, comme Jean Silhon. Quant à l’homme du Pape, il est attribué, dans le Dictionnaire des Anonymes de M. Barbier, à Béniyne Milletot, doyen du parlement de Dijon en 1626, et ami intime de saint François de Sales, qui ne put empêcher qu’on mît à l’index, à Rome, quelques ouvrages du magistrat bourguignon. (Cl.)
  4. Hercule Girard, baron de Charnacé, tué d’un coup de mousquet, en 1637, cité dans le chapitre ii du Siècle de Louis XIV.