Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/274

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de Louis XIV, et deux Épîtres[1] morales très-incorrectes. Je vous enverrais tout cela, et vous auriez la bonne leçon, si le port n’était pas effrayant. Je crois que vous verrez dans l’Essai sur le Siècle de Louis XIV un bon citoyen plutôt qu’un bon écrivain. L’objet que je me propose a, me semble, un grand avantage : c’est qu’il ne fournit que des vérités honorables à la nation. Mon but n’est pas d’écrire tout ce qui s’est fait, mais seulement ce qu’on a fait de grand, d’utile, et d’agréable. C’est le progrès des arts et de l’esprit humain que je veux faire voir, et non l’histoire des intrigues de cour et des méchancetés des hommes. Toutes les cabales des courtisans et toutes les guerres se ressemblent assez, mais le siècle de Louis XIV ne ressemble à rien.

On a fait courir une lettre de moi à l’abbé Dubos : c’est une copie bien infidèle[2] ; mais il faut que je sois toujours ou calomnié ou mutilé, et qu’on persécute le père et les enfants.

Je vous embrasse.


1148. — MADAME LA MARQUISE DU CHÂTELET
à m. le comte d’argental.
27 avril 1739.

Mon cher ami, vous nous rendez la vie. Je me suis bien doutée que vous ne nous abandonneriez pas dans ces cruelles circonstances. Enfin, tout est apaisé, tout est fini : votre ami vous envoie le désaveu dont vous nous avez envoyé le modèle, et la lettre pour M. Hérault. Ce que vous proposez est si raisonnable qu’il n’y a pas moyen de ne s’y pas rendre ; mais ce n’était pas ainsi que M. d’Èon l’avait d’abord proposé. Enfin, mon cher ami, le voilà : nous nous mettons sous l’ombre de vos ailes : gardez-nous, mon cher ange. J’espère qu’avec cette précaution tout ira bien, et que l’on ne nous inquiétera point sur ces Épîtres, qui, après tout, sont sages. Le chevalier de Mouhy a le désaveu, et je crains qu’il ne l’ait répandu. Votre ami ne m’a pas consultée pour le lui envoyer. Je ne puis pas tout parer. J’écris à ce chevalier pour lui défendre d’en faire usage ; mais je crains que le mal ne soit fait : je l’ai appris trop tard. Ce sont les conseils de M. d’Argenson qui nous ont entraînés dans cette faute ; mais j’espère que ce que nous vous envoyons la réparera. Envoyez chercher ce chevalier, ou bien passez-y : car je crois qu’il ne peut sortir. Défendez-lui l’usage du désaveu : vous saurez par lui le chemin que cela a fait. Qu’il ne dise point surtout qu’il le tient de notre ami ; qu’il se taise, et, je vous prie, exhortez-le à ne rien laisser paraître. Il me mande qu’il à y a deux éditions des mémoires commencées ; il faut de

  1. Sur la Nature du Plaisir et sur la Nature de l’Homme (cinquième et sixième Discours sur l’Homme).
  2. Voyez la note sur la lettre 952.