Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/273

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altri tempi, altre cure. Actuellement c’est la mode de me persécuter, et je ne conçois pas comment j’ai pu glisser quelques plaisanteries dans cette lettre, au milieu des vexations qui accablent mon âme, et des perpétuelles souffrances qui détruisent mon corps. Mais votre portrait, que je regarde, me dit toujours : Macte animo.

Durum, sed levius fit patientia
Quidquid corrigere est nefas.

(Hor., lib. I, od. xxiv, v. 19.)

J’ose exhorter toujours votre grand génie à honorer Virgile dans Nisus et dans Euryalus, et à confondre Machiavel. C’est à vous à faire l’éloge de l’amitié, c’est à vous de détruire l’infâme politique qui érige le crime en vertu. Le mot politique signifie, dans son origine primitive, citoyen ; et aujourd’hui, grâce à notre perversité, il signifie trompeur de citoyens. Rendez-lui, monseigneur, sa vraie signification. Faites connaître, faites aimer la vertu aux hommes.

Je travaille à finir un ouvrage[1] que j’aurai l’honneur d’envoyer à Votre Altesse royale dès que j’aurai reposé ma tête. Votre Altesse royale ne manquera pas de mes frivoles productions, et tant qu’elles l’amuseront, je suis à ses ordres.

Mme  la marquise du Châtelet joint toujours ses hommages aux miens.

Je suis, avec le plus profond respect et la plus grande vénération, monseigneur, etc.


1147. — À M. BERGER.
À Cirey.

Mon cher Berger, que ma négligence ne vous rebute point. Croyez que je sens le prix de vos lettres et de votre amitié, comme si je vous écrivais tous les jours.

Je vous assure que mon Histoire du Siècle de Louis XIV serait plus intéressante si je trouvais des anecdotes aussi agréables que celles dont vos lettres sont remplies. Je suis toujours dans l’incertitude du chemin que nous prendrons pour aller en Flandre, Si je passe par Paris, vous croyez bien qu’un de mes plus grands plaisirs sera de vous embrasser. On me mande qu’on fait courir dans ce vilain Paris le commencement[2] de mon Histoire

  1. Le Fanatisme, ou Mahomet le prophète.
  2. L’Essai sur le Siècle de Louis XIV. Voyez l’Avertissement de Beuchot en tête du tome XIV.