Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/418

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Le reste est un amusement,
Le vrai bonheur est auprès d’elle.
Pour la triste ville où je suis,
C’est le séjour de l’ignorance.
De la pesanteur, des ennuis,
De la stupide indifférence ;
Un vrai pays d’obédience,
Privé d’esprit, rempli de foi ;
Mais Émilie est avec moi :
Seule, elle vaut toute la France.

En vous remerciant, mon cher ami, des marques de votre souvenir.

Vous avez donc lu ce fatras inutile sur la teinture, que M. le Père Gastel appelle son Optique ? Il est assez plaisant qu’il s’avise de dire que Newton s’est trompé, sans en donner la plus légère preuve, sans avoir fait la moindre expérience sur les couleurs primitives. C’est à présent la physique qui se met à être plaisante, depuis que la comédie ne l’est plus. J’ai lu le quatrième tome des Leçons de Physique de Joseph Privât de Molières, de l’Académie des sciences : cela est encore assez comique ; mais j’aime mieux l’autre Molière que celui-ci. Joseph Privât ne peut réjouir que quelques philosophes malins qui aiment à rire des absurdités imprimées avec approbation et privilège. Le cher homme a une preuve toute nouvelle de l’existence de Dieu à faire pouffer de rire : c’est, dit-il, qu’il y a des cas où une boule de cinq livres[1] en pèse sept, ce qui ne peut arriver que par permission divine ; or, vous pouvez être sûr que ni Privât de Molières, ni sa boule, ne pèseront jamais un grain de plus en aucun cas. Six vieux régents de l’Université ont donné six approbations authentiques à cette belle découverte, à laquelle ils n’entendent rien ; mais au moins MM. de Mairan et de Bragelongue, députés de l’Académie pour louer M. Privât, n’ont pas donné dans le traquet. Ils ont déclaré nettement qu’il y avait certaines hypothèses dans ce livre qu’ils ne pouvaient admettre.

Quand il s’agit de prouver Dieu,
Ces messieurs de l’Académie
Tirent leur épingle du jeu
Avec beaucoup de prud’homie.

  1. Voyez plus bas la lettre 1297.