Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/530

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Brillante Imagination,
Et vous ses compagnes les Grâces,
Vous nous annoncez par vos traces
Sa rapide apparition.

Notre âme est souvent le prophète
D’un sort heureux et fortuné ;
Elle est le céleste interprète
De ton voyage inopiné.

L’aveugle et stupide Ignorance
Craint pour son règne ténébreux ;
Tu parais ; toute son engeance
Fuit tes éclairs trop lumineux.

Enfin l’heureuse Jouissance
Ouvre les portes des Plaisirs ;
Les Jeux, les Ris, et nos désirs,
T’attendent pleins d’impatience.

Des mortels nés d’un sang divin
Volent de Paris, de Venise,
Et des rives de la Tamise,
Pour te préparer le chemin.

Déjà les Beaux-Arts ressuscitent ;
Tu fais ce miracle vainqueur.
Et de leur sépulcre ils te citent
Comme leur immortel sauveur.

Enfin je puis me flatter de vous voir ici. Je ne ferai point comme les habitants de la Thrace, qui, lorsqu’ils donnaient des repas aux dieux, avaient auparavant mangé la moelle eux-mêmes. Je recevrai Apollon comme il mérite d’être reçu, cet Apollon non-seulement dieu de la médecine, mais de la philosophie, de l’histoire, enfin de tous les arts[1].

L’ananas, qui de tous les fruits
Rassemble en lui les goûts exquis,
Voltaire, est de fait ton emblème ;
Ainsi les arts au point suprême
Se trouvent en toi réunis.

Vous m’attaquez un peu sur le sujet de ma santé, vous me croyez plein de préjugés, et je crois en avoir peut-être trop peu pour mon malheur.

Aux saints de la cour d’Hippocrate
En vain j’ai voulu me vouer ;

  1. Tout cet alinéa se retrouve dans la lettre du 12 octobre suivant, ce qui permet de penser qu’il y a eu des altérations dans les lettres entre Voltaire et Frédéric ; mais ce qui prouve les altérations, c’est qu’on ne trouve pas ici le passage que Voltaire cite dans sa lettre du 18 octobre. (B.)