Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/80

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Je vous enverrai Œdipe tout corrigé, et vous aurez encore bien autre chose : que Dieu me donne vie, et vous serez content de moi. Je brûle de vous faire voir les corrections sans fin de la Henriade. Si le royaume des cieux est pour les gens qui s’amendent, j’y aurai part ; s’il est pour ceux qui aiment tendrement leurs amis, je serai un saint. Platon mettait dans le ciel les amis à la première place ; j’y serais encore en cette qualité. Adieu, mon cher ami. L’Élu V.

Avez-vous reçu le paquet pour le père de Dardanus ? Mandez-moi l’adresse de M. Algarotti. Excusez-moi auprès du prince sur ma pauvre santé.


985. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Cirey.

Mon aimable ange gardien, si j’avais eu quelque chose de bon à dire, j’aurais écrit à MM. d’Ussé ; mais écrire pour dire : J’ai reçu votre lettre, et j’ai l’honneur d’être, et des compliments, et du verbiage ; ce n’est pas la peine.

Je ne saurais écrire en prose quand je ne suis pas animé par quelque dispute, quelque fait à éclaircir, quelque critique, etc. ; j’aime mieux cent fois écrire en vers ; cela est beaucoup plus aisé, comme vous le sentez bien. Voici donc des vers que je leur griffonne ; qu’ils les lisent, mais qu’ils les brûlent.

Venons à l’Épître sur la preuve de l’existence de Dieu par le plaisir[1] ! Ne pourrait-on pas y faire une sauce, pour faire avaler le tout aux dévots ?

Il est très-vrai que le plaisir a quelque chose de divin, philosophiquement parlant ; mais, théologiquement parlant, il sera divin d’y renoncer. Avec ce correctif, on pourrait faire passer l’épître, car tout passe. J’ai corrigé encore beaucoup les autres. Un petit mot, s’il vous plaît, sur la dernière, sur l’aventure de la Chine[2]. J’aime vos critiques ; elles sont fines, elles sont justes, elles m’encouragent ; poursuivez.

Je ne crois avoir fait qu’une action de bon chrétien, et non un bon ouvrage, dans ce que vous savez[3] et, comme il faut que les bonnes œuvres soient secrètes, je vous prie de recommander à Lamare le plus profond secret. D’ailleurs, qu’il fasse tout ce que vous lui prescrirez : c’est ainsi que j’en userais, si j’étais à Paris.

  1. Le cinquième Discours en vers.
  2. Voyez le vers 41 du sixième Discours.
  3. La comédie de l’Envieux, citée plus haut, dans la lettre n° 975.