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et de celui de mes autres anges gardiens, Mme d’Argental et M. de Pont-de-Veyle. Je leur baise très-humblement le bout des ailes, et me recommande à vos saintes inspirations.


1471. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Camp de Reichenbach, 24 août[1].

De tous les monstres différents
Vous voulez que je sois l’Hercule,
Que Vienne avec ses adhérents,
Genève. Rome avec la bulle,
Tombent sous mes coups assommants ;
Approfondissez mieux vos gens,
Et connaissez la différence
De la massue aux arguments.

L’antique idole qu’on encense,
La crédule Religion,
Se soutient par prévention,
Par caprice, et par ignorance.
La foudroyante Vérité
A poursuivi ce monstre en Grèce ;
À Rome il fut persécuté
Par les vers sensés de Lucrèce.

Vous-même vous avez tenté
De rendre le monde incrédule,
En dévoilant le ridicule
D’un vieux rêve longtemps vanté ;
Mais l’homme stupide, imbécile,
Et monté sur le même ton,
Croit plutôt à son évangile
Qu’il ne se range à la raison ;
Et la respectable nature,
Lorsqu’elle daigna travailler
À pétrir l’humaine figure,
Ne l’a pas faite pour penser.

Croyez-moi, c’est peine perdue
Que de prodiguer le bon sens
Et d’étaler des arguments
Aux bœufs qui traînent la charrue ;
Mais de vaincre dans les combats
L’orgueil et ses fiers adversaires,
Et d’écraser dessous ses pas
Et les scorpions et les vipères,
Et de conquérir des États,
C’est ce qu’ont opéré nos pères,
Et ce qu’exécutent nos bras.

  1. Réponse à la lettre 1463.