Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/14

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courte. Si Mahomet y joue trop le rôle de Tartuffe et d’amant, le ridicule est bien près. Il faut courir vite dans cet endroit-là, c’est de la cendre brûlante. Voyez si vous êtes content de la scène telle que je vous l’envoie.

Je suis fâché de n’avoir pu vous envoyer toute la pièce au net, avec les corrections les yeux seraient plus satisfaits, on verrait mieux le fil de l’ouvrage, on jugerait plus aisément. Ayez la bonté d’y suppléer ; l’ouvrage est à vous plus qu’à moi. Voyez, jugez ; trouvez-vous enfin Mahomet jouable ? En ce cas, je crois qu’il faut le donner le lendemain des Cendres c’est une vraie pièce de carême d’ailleurs, ce qui peut frapper dans cette pièce ira plus à l’esprit qu’au cœur. Il y a peu de larmes à espérer, à moins que Séide et Palmire ne se surpassent. L’impression que fait la terreur est plus passagère que celle de la pitié, le succès plus douteux : ainsi j’aimerais bien mieux que Mahomet fût livré aux représentations du carême. On peut, après le petit nombre de représentations que ce temps permet, la retirer avec honneur ; mais, après Pâques, nous manquerons de prétexte.

Il n’y a pas d’apparence que je vienne à Paris ni avant ni après Pâques. Après avoir quitté Mme du Châtelet pour un roi, je ne la quitterai pas pour un prophète. Je m’en rapporterai à mon cher ange gardien. Il ne s’agira que de précipiter un peu les scènes de raisonnement, et de donner des larmes, de l’horreur et des attitudes à Grandval et à Gaussin. Mlle Quinault entend le jeu du théâtre comme tout le reste ; et, si vous vouliez honorer de votre présence une des répétitions, je n’aurais aucune inquiétude. Enfin, je remets tout entre vos mains, et je n’ai de volontés que les vôtres. Mes anges gardiens sont mes maîtres absolus.


1403. ‑ À M. THIERIOT[1].
Bruxelles, 27 janvier 1741.

Je ne devrais pas être surpris qu’un autre prince vous oubliât dans de pareilles circonstances, mais je le suis un peu que le roi de Prusse ne vous ait déjà fait sentir les effets de ses bontés ; je vous ai déjà dit qu’il fait les petites affaires et les grandes, et qu’il ne laisse rien en arrière. Apparemment qu’il a fait ses arrangements pour le mois de juin, comme il m’avait déjà fait l’honneur de me le dire à mon premier voyage auprès de sa personne.

  1. Pièces inédites de Voltaire, 1820.