Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/152

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Éminence soit convaincue de mes sentiments pour elle, et de mon amour extrême pour ma patrie. Si vous daignez en persuader Sa Majesté, ce sera le comble à vos bontés.

Je vous souhaite, monseigneur, la longue prospérité qui doit être le fruit de tant de modération et de tant de sagesse.

J’ai l’honneur d’être, avec le plus profond respect, monseigneur, de Votre Éminence le très-humble, etc.

Voltaire.
1523. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Paris, le 22 août, en partant.

Tandis que vous êtes à Lyon, mon cher et respectable ami, avec mon autre ange gardien, le diable, qui dispose de ma vie, m’envoie à Bruxelles ; et songez, s’il vous plaît, qu’à Bruxelles il n’y a que des Flamands qui ne sauront pas même si, dans la tragédie de Mahomet, il sera question de mahométisme. Mme  du Châtelet va, tout armée de compulsoires, de requêtes, et de contredits, perdre son argent et son temps à gagner des incidents inutiles d’un procès qui sera jugé à la quatrième ou cinquième génération :

Ô vanas hominum mentes ! ô pectora cæca

(Lucr., lib. II, v. 14.)

Pour moi, je dirai :

ô noctes cœnæque Deum !

( Hor., lib. II, sat. vi, v. 65.)


quand je vous reverrai à Paris. Je ne prétends pas vous regretter

précisément autant que fait Mme  d’Argental ; mais, après elle, je crois que je peux très-hardiment le disputer à tout le monde.

Je vois que M. Pallu[1] et M. Perichon, et tous ceux qui font les honneurs de Lyon, vont donner des indigestions à mes deux anges. M. de La Marche[2] n’est-il pas avec vous ? N’avez-vous pas un opéra, et, par-dessus tout cela, un cardinal[3] ? Voilà assurément de quoi passer son temps. Que dit M. de La Marche de ses con-

  1. Voyez tome XXXIII, page 188.
  2. Claude-Philibert de La Marche, reçu président au parlement de Bourgogne en novembre 1718.
  3. Pierre Guérin de Tencin, oncle de d’Argental, avait été nommé cardinal au commencementde 1739, et archevêque de Lyon en 1740.