Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/153

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frères de Paris, qui ont instrumenté si pédantesquement contre mon prophète ? que dira M. le cardinal de Tencin ? que dira madame sa sœur de nos convulsionnaires en robe longue, qui ne veulent pas qu’on joue le Fanatisme, comme on dit qu’un premier président[1] ne voulait pas qu’on jouât Tartuffe ? Puisque me voilà la victime des jansénistes, je dédierai Mahomet au pape[2], et je compte être évêque in partibus infidelium, attendu que c’est là mon véritable diocèse. Bonjour, mes saints anges ; je me mets toujours à l’ombre de vos ailes. Voulez-vous des nouvelles ? on joue jeudi ma[3] comédie nouvelle ; Mlle Gaussin a été saignée hier ; M. le cardinal de Fleury a eu une petite faiblesse ; on répète Hippolyte et Aricie[4].

À propos, vous avez mon Mahomet ; Mme de Tencin le lira, monsieur le cardinal[5] le lira qu’en auront-ils dit ? et M. Pallu, on ne peut pas se dispenser de lui en accorder une lecture.

Je vous prie de présenter mes respects à madame votre tante ; et, si je n’étais pas aussi profane, aussi irrévocablement damné que j’ai l’honneur de l’être, je demanderais la bénédiction de Son Éminence.


1524. — À MADAME DE CHAMPBONIN.
De Reims.

On a retenu, ma chère amie, la vivacité de mes sentiments, et l’on a réglé que celui des voyageurs qui ne vous est pas le moins attaché serait le dernier à vous écrire. Nous voilà dans la ville de la sainte ampoule ! Je vous jure que Mme la marquise du Châtelet n’a jamais été plus aimable. Elle a enchanté toute la ville de Reims et, comme de raison, ceux à qui elle plaît tant lui ont donné un jour deux pièces en cinq actes, l’une avant souper, et l’autre après. La dernière a été suivie d’un bal qu’on n’attendait pas, et qui s’est formé tout seul. Jamais elle n’a mieux dansé au bal ; jamais elle n’a mieux chanté à souper ; jamais tant mangé, ni plus veillé. Elle loge chez mon ami M. de Pouilly[6], homme d’une vaste érudition, et cependant aimable, doux, facile,

  1. Voyez tome XXIII, page 117.
  2. Voltaire dédia effectivement Mahomet à Benoit XIV, au lieu de Frédéric II.
  3. Ma doit être une faute : la Fête d’Auteuil ou la Fausse Méprise, comédie en trois actes et en vers libres, jouée le jeudi 23 auguste 1742, est de Boissy. (B.)
  4. Voyez tome XXXIII, page 385.
  5. Le cardinal de Tencin.
  6. Lévesque de Pouilly. Voyez tome XXXV, page 194.