Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/159

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d’être sortie de votre plume. Elle a fait ma consolation dans un pays où il n’y a guère de société, où l’on boit les eaux du Styx, et dans lequel la charlatanerie des médecins étend sa domination jusque sur l’esprit. Je voudrais que les Français pensassent comme l’auteur de cette lettre, et que leur fureur partiale devint plus équitable envers les étrangers ; je voudrais enfin que vous eussiez fait cette lettre, et que vous me l’eussiez envoyée. Mais qu’ai-je besoin de vos lettres ? l’auteur est dans le voisinage. Si vous veniez ici, vous ne devez pas douter que je ne préfère infiniment le plaisir de vous entendre à celui de vous lire. J’espère de votre politesse que vous voudrez me faire cette galanterie, et m’apporter en même temps ce Mahomet proscrit en France par les bigots, et œcuménisé par les philosophes à Berlin.

Je ne prétends pas vous en dire davantage ; j’espère que vous viendrez ici pour entendre tout ce que mon estime peut avoir à vous dire. Adieu.

Fédéric.

1529. — À M. CÉSAR DE MISSY[1].
À Bruxelles, ce 1er septembre 1742.

Je trouve, monsieur, à mon retour à Bruxelles, une lettre bien agréable de vous, à laquelle je ne réponds qu’en vile prose ; mais ce que vous ne croirez peut-être pas, c’est pour avoir plus tôt fait. Je ne sais si le pays qui est devenu le vôtre est l’ennemi de celui que le hasard de la naissance a fait le mien ; mais je sais bien que les esprits qui pensent comme vous sont de mon pays, et sont mes vrais amis. Je vous supplie donc, monsieur, de vouloir bien me donner une marque de votre amitié en me faisant avoir tout ce qui s’est fait de l’Histoire universelle en anglais, depuis le chapitre y concernant les Juifs jusqu’à la captivité de Babylone, lequel finit dans la traduction française par ces mots : Établit quelque temps après Saül pour être roi d’Israël. Il n’y a qu’à faire adresser le paquet à M. Van Cleve, banquier à Bruxelles, et tirer sur lui le montant du livre et des frais.

On a imprimé depuis peu, à Paris, une petite édition de mes ouvrages, sous le titre d’édition de Genève, chez Bousquet : c’est la moins fautive et la plus complète que j’aie encore vue. J’en ferai venir quelques exemplaires, et j’aurai l’honneur de vous en envoyer un.

Si quelque libraire de Londres voulait les réimprimer, je lui enverrais un exemplaire corrigé et mis en meilleur ordre, accompagné de pièces assez curieuses qui n’ont point encore paru, et surtout de la tragédie de Mahomet ou du Fanatisme ; c’est Tartuffe

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.