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tachement le plus sincère, monseigneur, de Votre Éminence le très-humble, etc.

Voltaire.

1535. À M. LE COMTE D’ARGENTAL[1].
À Bruxelles, ce 24 septembre.

Mon cher ange de lumière a donc vu des mal disants qui prétendent avoir vu mon Mahom imprimé à Meaux : il y a des gens qui voient d’une étrange manière. Non, ne le croyez pas ; Mahom vous appartient, et je ne dispose pas ainsi de votre bien. Je compte venir dans le petit ciel les derniers jours d’octobre. Les poules au riz ne sont bonnes que là : toute la Flandre ne vaut pas le nid de mes deux anges.

Savez-vous que je suis tout au mieux avec

Le vieillard vénérable[2] à qui les destinées
Ont de l’heureux Nestor accordé les années ?

Il m’écrit de grandes lettres, dans lesquelles même il daigne avoir beaucoup d’esprit. On dit que nos affaires vont très-bien par delà le Danube ; mais le grand point est qu’il y ait à Paris beaucoup de bonnes tragédies et de bons opéras. Le roi de Prusse donne un bel exemple à mes chers compatriotes : il fait bâtir une salle, dont les quatre faces seront sur le modèle des portiques du Panthéon ; et à Paris, vous savez qu’on entre dans une vilaine salle par un vilain égout[3]. Cela me fait saigner le cœur, car je suis très-bon Français.

Je vous ai écrit une grande lettre à Lyon, toute pleine de vieilles nouvelles. Elle était adressée à l’archevêché. Je soupçonne qu’elle ne vous est pas parvenue, et qu’une lettre de moi n’est pas faite pour arriver dans le lieu saint ; du moins M. de Pont-de-Veyle n’en dit mot dans celle qu’il écrit à Mme  Châtelet.

Cette Mme  du Châtelet vous fait les plus tendres compliments. Mme  d’Argental sait avec quel respectueux dévouement je lui suis attaché, comme à vous, pour toute ma vie.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Le cardinal Fleury. Voyez une lettre de juillet à Frédéric.
  3. Le théâtre de la rue des Fossés-Saint-Germain(aujourd’hui rue de l’Ancienne-Comédie), qui ne fut démoli qu’en 1770. (A. F.)