Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/167

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secrets, il peut aisément vous satisfaire sans aucun risque, ayant un caractère qui le met à l’abri de tout reproche, et un chiffre qui assure du secret ?

Je soupçonne que ce que Votre Éminence veut savoir est déjà connu de M. de Valori ; mais s’il ne l’était pas, il peut aisément l’apprendre du baron de Pöllnitz, chambellan du roi de Prusse. Je sais que ce chambellan est au fait, qu’il fut présent à un entretien que le roi de Prusse eut sur ce sujet avec son ministre. Il sera très-facile à M. de Valori de faire parler M. de Pöllnitz sur ce chapitre.

Oserai-je encore ajouter, monseigneur, en soumettant mes faibles conjectures à vos lumières, qu’il me paraît que le roi de Prusse allègue ces prétextes secrets, dont il est question, pour cacher la raison véritable, qu’il se repent peut-être d’avoir trop écoutée ? Votre Éminence sait à quel point le parti anglais avait persuadé à ce prince que la France était incapable de soutenir la guerre en Bohême ; et, par tout ce qu’il m’a fait l’honneur de me dire, il est aisé de juger que, s’il vous eût cru plus puissant, il vous eût été plus fidèle. On l’assurait alors que le parti du stathoudérat aurait le dessus en Hollande, et que les Anglais, avec la nouvelle faction hollandaise, pouvaient lui faire de grands avantages.

Voilà sa véritable raison. Je ne doute pas que les Anglais n’aient appuyé cette raison de quelque calomnie, pour l’engager à se détacher de la France avec moins de scrupule ; et ces calomnies anglaises sont vraisemblablement les raisons secrètes dont il s’agit.

Je souhaiterais qu’on pût découvrir que les Anglais lui en ont imposé grossièrement, et que cette manœuvre inique de leur part pût servir à vous attacher davantage un prince que son goût et son intérêt véritable détermineront toujours de votre côté. Pour moi, monseigneur, quand je ne serais pas Français, je ne m’en sentirais pas moins de dévouement pour votre personne. Il me semble que vous devez faire des Français de tous ceux qui vous entendent, ou à qui vous daignez écrire. J’ai été un peu Anglais avec Newton et avec Locke ; je pourrais bien tenir à leurs systèmes, mais je suis infiniment partisan du vôtre c’est celui de la grandeur de la France et de la tranquillité de l’Europe. Je me flatte qu’il sera mieux prouvé que tous ceux de philosophie.

Il n’y a personne, monseigneur, à qui votre gloire soit plus précieuse qu’à moi. Je suis avec le plus profond respect et l’at-