Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/177

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Je voudrais bien voir cette sagesse un peu plus à son aise. On ne m’écrira que lorsque je serai à Paris ; ainsi, jusque-là, je n’ai rien de nouveau à vous dire. J’attends pour cet hiver la paix et votre pension.

J’ai vu les meurtriers anglais et les meurtriers hessois et hanovriens : ce sont de très-belles troupes à renvoyer dans leur pays. Dieu les y conduise, et moi à Paris, par le plus court !

Les maudits housards ont pris tout le petit équipage de mon neveu Denis, qui se tue le corps et l’âme en Bohême, et qui est malade à force de bien servir. Pour surcroît de disgrâce, on lui a saisi ici deux beaux chevaux qu’il envoyait à sa femme, et je n’ai jamais pu les retirer des mains des commis, gens maudits de Dieu dans l’Évangile[1], et plus dangereux que les housards. Vous voyez que, dans ce monde, vous n’êtes pas le seul à plaindre.

Mme  du Châtelet essuie tous les tours de la chicane, et moi, tous ceux des imprimeurs.


Durum ! sed levius fit patientia,
Quidquid corrigere est nefas.

(Hor., lib. I, od. xxiv, v. 19.)

Quiconque est au coin de son feu, et qui songe en soupant qu’en Bohême on manque souvent de pain, doit se trouver heureux.

Je vous embrasse ; comptez toujours sur mon amitié.


1544. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
À Bruxelles, novembre.

Sire, je suis bien heureux que le plus sage des rois soit un peu content de ce vaste tableau que je fais des folies des hommes. Votre Majesté a bien raison de dire que le temps où nous vivons a de grands avantages sur ces siècles de ténèbres et de cruauté,


Et qu’il vaut mieux, ô blasphèmes maudits !
Vivre à présent qu’avoir vécu jadis[2].

Plût à Dieu que tous les princes eussent pu penser comme mon héros ! il n’y aurait eu ni guerre de religion, ni bûchers

  1. Matthieu, xviii, 17.
  2. Vers 17 et 18 de la Défense du Mondain, tome X.