Monsieur, M. le cardinal de Fleury m’a fait l’honneur de me mander qu’il vous avait envoyé la lettre par laquelle je le suppliais que la petite affaire en question[1] vous fût renvoyée. J’aurais été bien affligé qu’un autre que vous s’en fût saisi, et vous savez mes raisons[2].
Je vous aurais, monsieur, la plus sensible obligation si vous pouviez découvrir le dépositaire infidèle qui a trafiqué du manuscrit. Je ne me plains point des libraires ; ils ont fait leur devoir d’imprimer clandestinement et d’imprimer mal. Mais celui qui a violé le dépôt mérite d’être connu. Je crois que vous avez d’autres occupations que cette bagatelle, et j’abuse un peu de vos bontés ; mais les plus petites choses deviennent considérables à vos yeux, lorsqu’il s’agit d’obliger.
Je crois savoir que le nommé Constantin a débité les premiers exemplaires au Palais-Royal. Je suis bien loin de demander qu’on en use sévèrement avec ce pauvre homme ; mais on peut remonter par lui à la source. Enfin je m’en remets à vos lumières et à vos bontés.
Je vous avoue que je suis aussi fâché que vous du retard que vous éprouvez. Nous en raisonnerons à loisir à Paris, où j’espère vous voir, avant la fin du mois,
Satisfait sans fortune, et sage en vos plaisirs[3].
- ↑ Manuel qui, le premier, fit imprimer cette pièce dans la Police dévoilée, rapporte la note marginale mise par le chef de la police, et que voici « Ne aire réponse à Voltaire que dans huit jours. Si Mérigot ne déclare point d’où il tient le Mahomet, le mettre en prison pour huit à dix jours. »
- ↑ L’auteur de Mahomet ne voulait avoir affaire qu’à de Marville, pour éviter toute relation avec Joly de Fleury, qui avait déjà opiné pour qu’on brûlât l’ouvrage et l’auteur. ( Cl.)
- ↑ Voyez, tome IX, la seconde leçon du premier Discours sur l’Homme, que Voltaire eut envie, pendant quelque temps, d’adresser nominativement à Thieriot.