Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/235

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Il y a près d’un mois[1] que je vous informai qu’on pourrait réussir à mettre quelque obstacle au passage des munitions de guerre du corps de troupes hollandaises. Celui qui s’était chargé de cette petite négociation, à Berlin, l’a conduite heureusement par le moyen du ministère des finances. L’ordre vient d’arriver à la régence de la Gueldre prussienne de ne pas laisser passer les effets des Hollandais. M. de Podewils prépare exprès un mémoire très-long, et de la discussion la plus ample, qu’il ne présentera que lundi, 19 du mois. Il se passera bien du temps avant qu’on y ait répondu, et que cette affaire soit arrangée.

Cet événement du moins fera voir que le roi de Prusse est bien loin d’entrer dans les mesures de la république et des Anglais, et qu’il est capable de les braver.

Le moment serait bien favorable pour agir auprès de Sa Majesté prussienne ; mais j’apprends, par cet ordinaire de Berlin, que le roi n’ira point à Spa. On ne me mande point cette nouvelle comme absolument certaine. Dans le doute, je me tiens prêt à partir, et si le roi de Prusse, contre toute attente, était encore en Silésie, j’irais lui faire ma cour à Breslau.

Le premier usage que j’ai fait de vos instructions a été de dire, en confidence, à l’envoyé de Prusse que je savais, à n’en point douter, que la reine de Hongrie avait déclaré depuis peu aux Anglais qu’elle regarderait toujours le roi de Prusse comme son plus cruel ennemi. Il l’a mandé à sa cour dans le moment, sans me nommer, et il a accompagné ce discours de tout ce qui peut exciter le roi son maître à se lier aux intérêts de la France. Il a pris l’occasion du départ de M. le marquis de Fénelon, pour faire valoir adroitement la vigueur du ministère français, les ressources de l’État, le courage de la nation. Je suis même convenu avec lui des termes.

Il m’a assuré encore que le premier dessein du roi son maître avait été d’assembler à Magdebourg une armée de neutralité ; mais qu’il en avait été détourné par nos disgrâces arrivées coup sur coup en Bavière, et aussi par la politique circonspecte et même timide du comte de Podewils[2], oncle du ministre de la Haye, qui a d’autant plus d’influence sur l’esprit de Sa Majesté prussienne qu’il ne veut jamais en avoir.

C’est bien dommage que ce jeune homme plein d’esprit, qui

  1. Il n’y avait que quatorze jours si la lettre est celle du 2 août (voyez page 226), dans laquelle Voltaire rappelle une note au roi, du 21 juillet.
  2. Il est souvent question de lui dans le tome II des Memoires de l’ambassadeur Valori.