Le roi m’a dit que, par les mémoires du maréchal de Noailles, il voyait clairement que la France frappait à toutes les portes pour demander la paix, et qu’il ne répondrait pas qu’on n’eût point fait des propositions vagues contre ses intérêts, quand ce ne serait que pour présenter un appât aux Autrichiens, mais qu’il n’en était pas fâché, et qu’il pensait bien que la France serait plutôt son amie que celle de l’Autriche.
Je pris occasion de là de lui dire, avec les plaisanteries et la familiarité qu’il permet, que je le soupçonnais d’avoir fait au mois de mars la même petite friponnerie dont il nous accusait, et que je ne le soupçonnais point d’avoir proposé sérieusement de s’unir avec la Hongrie contre la France. Il prit la chose très-sérieusement, et il me jura deux fois qu’il n’en était rien, que c’était un mensonge de B…[2] et du parti anglais ; que ce n’est pas le vingtième tour de la sorte qu’ils lui eussent joué.
« Qui m’en empêchait ? continua-t-il. En aurai-je plus à craindre le ressentiment de la maison d’Autriche quand, après l’avoir dépouillée de la Silésie, j’aurai aidé ensuite à lui faire avoir ailleurs un dédommagement ? Elle n’en deviendrait guère plus puissante, et je serais affermi contre elle par de nouvelles conditions ; il n’y en a guère qu’on ne m’ait offertes, et si j’avais voulu prêter seulement dix mille hommes, on m’offrait de recevoir la loi de moi dans la pacification de l’empire. Mais ce ne sont pas là mes desseins ; je ne prétends pas être l’instrument des Anglais, et ce n’est pas à moi à contribuer à l’élévation de la maison d’Autriche. »
Il faut songer à unir l’empire et à rétablir l’empereur ; il ne croit pas ce projet impraticable.
Mais il veut une année, et il dit que si vous gardez seulement vos frontières, cette année suffira.
Il est très-content que vous ayez envoyé des subsides à l’empereur. Il a ajouté, en riant, qu’il eût souhaité que vous les eussiez envoyés à ses troupes, et que l’empereur est un prince faible, capable de donner une partie de cet argent à ses maîtresses.