J’ai attendu le temps des étrennes, monsieur, pour avoir l’honneur de vous répondre. J’ai cru que les usages du jour de l’an justifieraient l’insolence que j’ai de vous donner mon carrosse. Votre histoire de Puffendorf, dans laquelle vous avez corrigé une partie de ses fautes, est un présent plus considérable que celui que j’ose vous faire. Si j’avais l’honneur de porter quelque couronne électorale, j’enverrais le carrosse chez vous, traîné par six chevaux gris pommelés, avec un beau brevet de pension dans les bourses de la portière ; mais je n’ai qu’une stérile couronne de laurier, et, si je pense en prince, mes étrennes ne sont que d’un homme de lettres. Ayez la bonté de les accepter, monsieur, comme celles d’un ami qui ne peut vous témoigner combien il vous estime.
Voulez-vous bien vous charger de présenter mes profonds respects à monsieur l’ambassadeur et à madame l’ambassadrice d’Espagne, à M. et à Mme de Fogliani[2], et à tous ceux qui daignent se souvenir de moi ?
J’aurai l’honneur de vous envoyer le tome qui vous manque de ce mauvais recueil qu’on a fait de mes œuvres. Il est vrai que je donnai, il y a quelques années, à monsieur l’envoyé d’Angleterre, un exemplaire d’une autre édition, non moins mauvaise, que je trouvai à Amsterdam. Je ne manquerai pas d’obéir aux ordres de Mme la marquise de Saint-Gilles, à la première occasion mais il faut qu’elle sache que je préfère un quart d’heure de sa vue et de sa conversation à tous les vers, à toute la prose de ce monde. Adieu, monsieur ; je suis pour toute ma vie avec la plus tendre estime[3], etc.
- ↑ Antoine-Augustin Bruzen (on prononce Bruzan) de La Martinière, né en 1692 auteur du grand Dictionnaire géographique, historique et critique, dont la première édition parut à la Haye, où le libraire Van Duren avait engagé La Martinière à se fixer, et où ce dernier mourut en juin 1746. En 1743, La Martinière publia une nouvelle édition de sa traduction de l’Einleitung zur Geschichte der europaeischen Staaten, de Puffendorf, avec une continuation, le tout sous le titre d’Introduction à l’histoire générale et politique de l’univers. (Cl.) — C’est cet ouvrage de Puffendorf qui aurait dû. être cité, tome XVI, page 150, note 2, et non le Traité du Droit de la nature et des gens.
- ↑ On lit Fogliani dans l’édition de Kehl, et Fogiani dans les autres. (Cl.)
- ↑ Le catalogue d’autographes vendus à la salle Drouot le 17 avril 1880 signale la réponse de La Martinière, datée de la Haye, 9 janvier 1744.