Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/283

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Ce n’est point ainsi que Quinte-Curce a composé l’histoire d’Alexandre ; ce n’est point ainsi que Tite-Live et Tacite ont écrit l’histoire romaine. Il y a mille journalistes ; à peine avons-nous deux ou trois historiens modernes. Nous souhaiterions que tous ceux qui broient les couleurs les donnassent à quelque peintre pour en faire un tableau.

Vous n’ignorez pas que M. de Voltaire avait publié cette déclaration, que votre traducteur rapporte[1] :

« J’aime la vérité, et je n’ai d’autre but et d’autre intérêt que de la connaître. Les endroits de mon Histoire de Charles XII où je me serai trompé seront changés. Il est très-naturel que M. Nordberg, Suédois, et témoin oculaire, ait été mieux instruit que moi, étranger. Je me réformerai sur ses mémoires ; j’aurai le plaisir de me corriger. »

Voilà, monsieur, avec quelle politesse M. de Voltaire parlait de vous, et avec quelle déférence il attendait votre ouvrage ; quoiqu’il eût des mémoires sur le sien des mains de beaucoup d’ambassadeurs avec lesquels il paraît que vous n’avez pas eu grand commerce, et même de la part de plus d’une tête couronnée.

Vous avez répondu, monsieur, à cette politesse française, d’une manière qui paraît dans un goût un peu gothique.

Vous dites dans votre préface[2] que l’histoire donnée par M. de Voltaire ne vaut pas la peine d’être traduite, quoiqu’elle l’ait été dans presque toutes les langues de l’Europe, et qu’on ait fait à Londres huit éditions de la traduction anglaise. Vous ajoutez ensuite très-poliment qu’un Puffendorf le traiterait, comme Varillas, d’archi-menteur.

Pour donner des preuves de cette supposition si flatteuse, vous ne manquez pas de mettre dans les marges de votre livre toutes les fautes capitales où il est tombé.

Vous marquez expressément que le major général Stuard ne reçut point une petite blessure à l’épaule, comme l’avance témérairement l’auteur français, d’après un auteur allemand, mais, dites-vous, une contusion un peu forte. Vous ne pouvez nier que M. de Voltaire n’ait fidèlement rapporté la bataille de Narva, laquelle produit chez lui au moins une description intéressante ; vous devez savoir qu’il a été le seul écrivain qui ait osé affirmer que Charles XII donna cette bataille de Narva avec huit mille

  1. Page 13. (Note de Voltaire.)
  2. Ibid. (Id.)