Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/282

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ce qu’il a fait, mais seulement ce qu’il a fait de digne d’être transmis à la postérité. »

Il y a peut-être des lecteurs qui aimeront à voir le catéchisme qu’on enseignait à Charles XII, et qui apprendront avec plaisir[1] qu’en 1693 le docteur Pierre Rudbeckius donna le bonnet de docteur au maître ès arts Aquinus, à Samuel Virenius, à Ennegius, à Herlandus, à Stuckius, et autres personnages très-estimables sans doute, mais qui ont eu peu de part aux batailles de votre héros, à ses triomphes et à ses défaites.

C’est peut-être une chose importante pour l’Europe qu’on sache que la chapelle du château de Stockholm, qui fut brûlée il y a cinquante ans, était dans la nouvelle aile du côté du nord, et qu’il y avait deux tableaux de l’intendant kloker, qui sont à présent à l’église de Saint-Nicolas ; que les sièges étaient couverts de bleu les jours de sermon ; qu’ils étaient, les uns de chêne, et les autres de noyer[2], et qu’au lieu de lustres il avait de petits chandeliers plats, qui ne laissaient pas de faire un fort bel effet ; qu’on y voyait quatre figures de plâtre, et que le carreau était blanc et noir.

Nous voulons croire encore[3] qu’il est d’une extrême conséquence d’être instruit à fond qu’il n’y avait point d’or faux dans le dais qui servit au couronnement de Charles XII ; de savoir quelle était la largeur du baldaquin ; si c’était de drap rouge ou de drap bleu que l’église était tendue, et de quelle hauteur étaient les bancs : tout cela peut avoir son mérite pour ceux qui veulent s’instruire des intérêts des princes.

Vous nous dites, après le détail de toutes ces grandes choses, à quelle heure Charles XII fut couronné ; mais vous ne dites point pourquoi il le fut avant l’âge prescrit par la loi ; pourquoi on ôta la régence à la reine mère ; comment le fameux Piper eut la confiance du roi ; quelles étaient alors les forces de la Suède ; quel nombre de citoyens elle avait ; quels étaient ses alliés, son gouvernement, ses défauts et ses ressources.

Vous nous avez donné une partie du journal militaire de M. Adlerfelt ; mais, monsieur, un journal n’est pas plus une histoire que des matériaux ne sont une maison. Souffrez qu’on vous dise que l’histoire ne consiste point à détailler de petits faits, à produire des manifestes, des répliques, des dupliques.

  1. Page 9 de l’Histoire de Charles XII, par Nordberg, édition de Cusson. ( Note de Voltaire.)
  2. Page 24. ( Id.)
  3. Pages 31-32. ( Id.)