Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/293

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Il fera sans doute moins froid, madame, à Stockholm, quand vous y régnerez, et alors je viendrai faire ma cour à Votre Majesté. Je ne plains dans cet événement que la reine Christine, qui va être éclipsée. Vous ferez en Suède ce que le roi votre frère fait à Berlin : vous ferez naître les beaux-arts. Que ne suis-je assez heureux pour me trouver dans la foule de ceux qui verront votre couronnement ! Je fais de loin des vœux ; mais je suis, de loin comme de près, avec le plus profond respect et l’attachement le plus inviolable, de Votre Altesse royale, madame, le très-humble et très-obéissant serviteur.

Voltaire.
1648. — À M. DE VAUVENARGUES.
Ce lundi, 7 mai 1744.

En vous remerciant. Mais vous êtes trop sensible. Vous pardonnez trop aux faux raisonnements, en faveur de quelque éloquence.

D’où vient que quelque chose est, et qu’il ne se peut pas faire que le rien soit, si ce n’est parce que l’être vaut mieux que le rien ?

Voilà un franc discours de Platon. Le rien n’est pas, parce-qu’il est contradictoire que le rien soit ; parce qu’on ne peut admettre la contradiction dans les termes. Il s’agit bien là du meilleur ! On est toujours, dans ces hauteurs, à côté d’un abîme. Je vous embrasse, je vous aime autant que je vous admire.

1649. — À M. DE CIDEVILLE.
À Cirey, le 8 mai.

Mon cher ami, vous m’avez envoyé le plus joli journal qu’on ait jamais fait. Pardonnez si je réponds en prose à des vers si aimables ; je ne pourrais pas même vous payer en vers, je suis d’ailleurs presque glacé par mon ouvrage pour la cour. Je me représente un dauphin et une dauphine ayant tout autre chose à faire qu’à écouter ma rapsodie. Comment les amuser ? comment les faire rire ? Moi, travailler pour la cour ! J’ai peur de ne faire que des sottises. On ne réussit bien que dans des sujets qu’on a choisis avec complaisance.

· · · · · · · · · · · · · · · Cui lecta potenter erit res,
Nec facundia deseret hunc, nec lucidus ordo.

(Hor., de Art. poet., v.40)