Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/306

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Mais il fatigue, il importune
Les cœurs infortunés et les esprits bien faits[1].

Et puis suit le portrait d’Alamir. Et croyez-vous encore que j’aie laissé subsister les plats compliments de Morillo, et les sottes réponses de la princesse, quand on lui donne la pomme ? Elle disait :

Mais il me siérait mal d’accepter ce présent.

C’est répondre en bégueule sans esprit. Voici ce qu’elle dit :

Il me siérait bien mal d’accepter ce présent ;
Pâris l’offrit moins galamment
À l’objet dangereux qui de son cœur fut maître.
Hélène fut séduite, et je ne veux pas l’être[2].

C’est un peu plus tourné, cela. Vous me demanderez, monseigneur, pourquoi je ne vous ai pas envoyé tout l’ouvrage dans ce goût. C’est, ne vous déplaise, que je ne trouve pas l’esprit en écrivant, aussi vite que vous en parlant ; c’est que j’aimerais mieux faire deux tragédies qu’une pièce où il entre de tout, et où il faut que les genres opposés ne se nuisent point. Vous avez ordonné ce mélange : cela peut faire une fête charmante ; mais, encore une fois, il faut beaucoup de temps. Je vais à présent travailler avec un peu plus de confiance ce qui regarde la comédie et je me flatte que je remplirai vos vues autant que mes faibles talents le permettront. Il s’agit à présent des divertissements que j’ai tâché de faire de façon qu’ils puissent convenir à tous les changements que je me réservais de faire dans la comédie.

Voyez si vous voulez que j’envoie à Rameau ceux des premier et troisième actes : j’attends sur cela vos ordres, et je vous avoue d’avance que je ne crois pas avoir dans mon magasin rien de plus convenable que ces deux divertissements. À l’égard du second acte, je ferai, comme de raison, ce que vous voudrez mais ayez la bonté d’examiner si le duc de Foix, ayant intention de se cacher jusqu’au bout, peut donner une fête qui réponde mieux au dessein ? Songez que les divertissements du premier et du second acte sont des fêtes entrecoupées, et qu’il faut au milieu une espèce de petit opéra complet, d’autant plus que,

  1. La Princesse de Navarre, acte I, scène i.
  2. Ces vers n’ont pas été conservés.