Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/312

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toutes les portes par où elle veut sortir ? Songez bien que je ne prends le parti que de ce tableau, que je soutiens devoir faire un effet charmant ; croyez-en l’expérience que j’ai du théâtre. J’abandonne tout mon style, mes scènes, mes caractères ; j’insiste sur ces deux divertissements, dont je peux parler sans faire l’auteur. Enfin je crois voir cela très-clair, et enfin il faut prendre un parti Rameau presse. Je travaillerai nuit et jour pour vous ; mais encouragez-moi un peu, et fiez-vous un peu à qui vous aime et vous respecte si tendrement.


1664. — À M. MARTIN KAHLE[1].

Monsieur le doyen, je suis bien aise d’apprendre au public que vous avez écrit contre moi un petit livre. Vous m’avez fait beaucoup d’honneur. Vous rejetez, page 17, la preuve de l’existence de Dieu tirée des causes finales. Si vous aviez raisonné ainsi à Rome, le révérend père jacobin maître du sacré palais vous aurait mis à l’Inquisition ; si vous aviez écrit contre un théologien de Paris, il aurait fait censurer votre proposition par la sacrée faculté ; si contre un enthousiaste, il vous eût dit des injures, etc., etc. ; mais je n’ai l’honneur d’être ni jacobin, ni théologien, ni enthousiaste. Je vous laisse dans votre opinion, et je demeure dans la mienne. Je serai toujours persuadé qu’une horloge prouve un horloger, et que l’univers prouve un dieu. Je souhaite que vous vous entendiez vous-même sur ce que vous dites de l’espace et de la durée, et de la nécessité de la matière, et des monades, et de l’harmonie préétablie ; et je vous renvoie à ce que j’en ai dit en dernier lieu dans cette nouvelle édition, où je voudrais bien m’être entendu, ce qui n’est pas une petite affaire en métaphysique.

Vous citez, à propos de l’espace et de l’infini, la Mèdée de Sénèque, les Philippiques de Cicéron, les Métamorphoses d’Ovide, des vers du duc de Buckingham, de Gombaud, de Regnier, de Hapin, etc. J’ai à vous dire, monsieur, que je sais bien autant de vers que vous ; que je les aime autant que vous ; et que, s’il s’agissait de vers, nous verrions beau jeu ; mais je les crois peu propres à éclaircir une question métaphysique, fussent-ils de Lucrèce ou du cardinal de Polignac. Au reste, si jamais vous

  1. Cette lettre est de 1744, année où parut la traduction, faite par Gautier de Saint-Blancard, de l’ouvrage de Kahle. Le passage cité par Voltaire est en effet page 17 de la traduction française. (B.) — Voyez tome XXIII, page 193.