Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/313

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comprenez quelque chose aux monades, à l’harmonie préétablie ; et, pour citer des vers,

Si monsieur le doyen peut jamais concevoir
Comment, tout étant plein, tout a pu se mouvoir[1] :

si vous découvrez aussi comment, tout étant nécessaire, l’homme est libre, vous me ferez plaisir de m’en avertir. Quand vous aurez aussi démontré en vers ou autrement pourquoi tant d’hommes s’égorgent dans le meilleur des mondes possibles, je vous serai très-obligé.

J’attends vos raisonnements, vos vers, vos invectives ; et je vous proteste du meilleur de mon cœur que ni vous ni moi ne savons rien de cette question. J’ai d’ailleurs l’honneur d’être, etc.


1665. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Cirey, le 11 juillet.

Le convalescent fait partir aujourd’hui, sous l’enveloppe de M. de La Reynière, le plus énorme paquet dont jamais vous ayez été excédé ; c’est, mes anges, toute la pièce avec les divertissements, telle à peu près que je suis capable de la faire. Je ne vous demande pas d’en être aussi contents que Mme  du Châtelet et M. le président Hénault[2], mais je vous demande de l’envoyer à M. le duc de Richelieu, et d’en paraître contents.

Je souhaiterais, pour le bien de votre âme, que vous voulussiez faire grâce à Sanchette, dont vous m’avez paru d’abord si mécontents. Tenez-moi quelque compte d’avoir mis au théâtre

  1. Parodie des vers 31 et 32 de l’épître V de Boileau.
  2. Le président, après avoir passé le 7 juillet à Cirey, écrivit ce qui suit au comte d’Argenson, dans une lettre datée de Plombières, le jeudi 9 juillet 1744

    « J’ai aussi passé par Cirey, c’est une chose rare. Ils sont là tous deux seuls, comblés de plaisirs. L’un fait des vers de son côté, et l’autre des triangles. La maison est d’une architecture romanesque, et d’une magnificence qui surprend. Voltaire a un appartement terminé par une galerie qui ressemble à ce tableau que vous avez vu de l’École d’Athènes, où sont rassemblés des instruments de tous les genres, mathématiques, physiques, chimiques, astronomiques, etc… et tout cela est accompagné d’ancien laque, de glaces, de tableaux, de porcelaine de Saxe, etc… enfin je vous dis que l’on croit rêver. Il m’a lu sa pièce ; j’en ai été très-content. Il n’a omis aucun de mes conseils ni aucune de mes corrections, et il est parvenu à être comique et touchant. Mais que dites-vous de Rameau, qui est devenu bel esprit et critique, et qui s’est mis à corriger les vers de Voltaire ? J’en ai écrit à M. de Richelieu deux fois. Ce fou-là (Rameau) a pour conseil toute la racaille des poëtes ; il leur montrera l’ouvrage. L’ouvrage sera mis en pièces, déchiré, critiqué… »