Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/330

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Oui, monsieur, si vous avez assez de loisir pour vouloir bien retoucher cette pièce, dont le fond est si vrai et les détails si charmants ; si vous vous donnez la peine de l’embellir au point où elle mérite de l’être, vous en ferez un ouvrage digne de Boileau ; mais il faut sa patience. C’est pour ne l’avoir pas eue que je ne suis point encore content de mes vers sur les Événements présents ; c’est pour cela que je ne les imprime point. C’est bien assez que vous ayez aperçu, à travers les négligences, quelques beautés qui demandent grâce pour le reste. C’est un encouragement pour finir la pièce à loisir ; mais, en vérité, il y a trop de vers sur ce sujet. Je crois que le confesseur du roi lui a ordonné, pour pénitence, de les lire tous.

Homme charmant, je reçois deux lettres de vous où je vois l’excès de vos bontés ; vous ne savez pas à quel point elles me sont chères. Mais où êtes-vous ? où ma lettre et mes tendres remerciements vous trouveront-ils ? Je partis hier de Champs pour venir faire répéter la Princesse de Navarre.

Rameau travaille ; je commence à espérer que je pourrai donner du plaisir à la cour de France. Mais vous avouerai-je que je compterais plus sur l’opéra de Prométhée, pour former un beau spectacle, que sur une comédie-ballet ? Je ne sais si Royer n’est pas devenu bon musicien. J’attends avec impatience le retour de M. le président Hénault pour juger de tout cela. Je retourne à Champs dans l’instant ; j’y vais retrouver Mme du Deffant, et disputer même avec elle à qui vous aime davantage. Mais savez-vous avec quelle impatience vous êtes attendu ? Vous êtes aimé comme Louis XV. Vale, vive, veni.

On ne peut vous être attaché avec une tendresse plus respectueuse que Voltaire.


1680. — À M. AMELOT[1].
Ce lundi, à une heure après minuit, 16 novembre 1744.

Le Prussien est entièrement dans vos intérêts, monsieur, et il dit que les intérêts communs seraient mieux ménagés s’ils l’étaient par les deux frères[2]. Cette raison, jointe à ce que tout le monde doit penser de vous, en acquiert bien de la force. Il ne s’agit plus que de trouver un exorde au discours qu’il pourrait tenir. C’est sur quoi je voudrais avoir l’honneur de recevoir vos

  1. Éditeurs, Bavoux et François.
  2. Peut-être les d’Argenson. (A. F.)