Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/329

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soit que j’aie la témérité de demander une révision, je suis également plein de reconnaissance et de la plus respectueuse tendresse pour tous mes anges.


1678. — À M. BERGER.
À Paris, le 7 octobre.

J’ai bien peur, monsieur, de perdre l’imagination comme la mémoire. J’ai été si lutiné, depuis mon retour à Paris, et par mes maladies et par les fêtes que je prépare à notre dauphine ; il a fallu tant faire de vers, tant en refaire, parler à tant de musiciens, de comédiens, de décorateurs, tant courir, tant m’épuiser en bagatelles, que j’avoue que je ne sais plus si j’ai répondu[1] à une lettre que vous m’adressâtes, il y a quelque temps, au Champbonin. Vous me mandâtes que tout le foin de la cavalerie du roi très-chrétien était soumis à votre juridiction. Je souhaite que vous en mettiez dans vos bottes, et que vous veniez à Paris, enrichi de nos triomphes. Il me semble que votre général a fait une campagne à la Turenne, toujours supérieur, par la conduite, à un ennemi supérieur en forces. Si tous les fourrages qu’on a pris aux Autrichiens vous appartenaient, vous seriez un Bernard ; mais, quand vous ne seriez qu’un homme très-aimable un peu à son aise, ce sera toujours un rôle fort agréable. Je serai très-charmé de vous embrasser à Paris. Je compte toujours sur votre amitié ; la mienne est, comme vous savez, ennemie des cérémonies.


1679. — À M. LE PRÉSIDENT HÉNAULT[2].

D’un pinceau ferme et facile
Vous nous avez, trait pour trait,
Dessiné l’homme inutile[3].
On ne dira jamais, grâces à votre style
« Le peintre a fait là son portrait. »
On dira : « Ce mortel aimable
Unissait Minerve et les Ris,
Et dans tous les beaux-arts, comme avec ses amis,
Mêlait l’utile à l’agréable. »

  1. Si Voltaire répondit à Berger, sa lettre n’a pas été recueillie.
  2. Cette lettre, toujours datée du 6 juillet 1745, ne peut être que de 1744, et encore du mois de septembre ou d’octobre.
  3. Le président avait composé une épitre intitulée l’Homme inutile.