Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/349

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mêle. Mon ouvrage est décent, il a plu sans être flatteur. Le roi m’en sait gré. Les Mirepoix ne peuvent me nuire. Que me faut-il de plus ? Il y aurait cent tracasseries à essuyer si je voulais empêcher qu’on rejouât l’opéra[1] de Rameau. Je n’en veux aucune, je ne veux que revenir vous faire ma cour ; mais je vous avertis que Mme du Châtelet veut être du voyage. Je suis comme les jésuites, je ne marche point seul. Vous sentez bien que, n’étant qu’un accident, et Mme du Châtelet étant ens per se, je ne peux me séparer d’elle sans être anéanti.


1702. — À M. THIERIOT[2].
Versailles, ce 27 février.

Mon cher ami, je n’ai ici ni mains, ni pieds, ni tête, tant je suis las. Je vous écris de la main d’un autre pour vous dire que je songe beaucoup plus à vos intérêts que je ne suis occupé du tapage de ce pays-ci. La solidité de l’amitié est toujours chez moi préférable à la fumée. Le roi est fort content des soins qu’on a pris pour lui plaire ; mais il y a dans le monde un roi[3] que je ne veux plus aimer que quand vous serez content de lui. Je vous embrasse tendrement.


1703. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.

Mon cher ange gardien, vous ne réussissez qu’à vous faire adorer et à me faire trembler ; mais il sera bien difficile que vous puissiez empêcher qu’on ne hasarde la petite pièce avec Jules César. On ne ferrait jamais rien dans ce monde, dans aucun genre, si on ne hasardait pas un peu. Pourvu que je ne risque point de perdre votre estime et votre amitié, et celle de Mme d’Argental, je peux hasarder tout le reste : car qu’est-ce que le reste ?

Le roi m’a accordé verbalement la première charge vacante de gentilhomme ordinaire de sa chambre, et, par brevet, la place d’historiographe, avec deux mille francs d’appointements. Me voilà engagé d’honneur à écrire des anecdotes ; mais je n’écrirai rien, et je ne gagnerai pas mes gages.

  1. Dardanus. (K.) — Les paroles de cet opéra sont de La Bruère.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.
  3. Frédéric II.