Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/415

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champ ordonné expressément à Chenut de ne point passer outre, et j’attends vos ordres pour savoir par qui, et comment, et quand, vous voulez faire relier votre Dictionnaire, qu’on ne lit point assez, et dont la langue est rarement entendue à Versailles. Je vous souhaite les bonnes fêtes. Je me flatte que, tôt ou tard, vous ferez quelque chose des araignées[1] ; mais si elles continuent à se détruire, ne soyez point détruit. Je le penserai toute ma vie, la paix de Turin[2] était le plus beau projet, le plus utile, depuis cinq cents ans.

Mille tendres respects.


1784. — À M. LE MARQUIS D’ARGENSON,
ministre des affaires étrangères.
À Paris, le 14 janvier.

Si le prince Édouard ne doit pas son rétablissement à M. le duc de Richelieu, on dit que nous devrons la paix à M. le marquis d’Argenson. Les Italiens feront des sonnets pour vous les Espagnols, des redondillas[3] ; les Français, des odes ; et moi, un poëme épique pour le moins. Ah ! le beau jour que celui-là, monseigneur ! En attendant, dites donc au roi, dites à Mme  de Pompadour, que vous êtes content de l’historiographe. Mettez cela, je vous en supplie, dans vos capitulaires. Que j’aurai de plaisir de finir cette histoire par la signature du traité[4] de paix !

Je viens d’envoyer à M. le cardinal de Tencin la suite de ce que vous avez eu la bonté de lire il lit plus vite que vous : tant mieux ; c’est une preuve que vous n’avez pas de temps, et que vous l’employez pour nous ; mais lisez, je vous en prie, l’article qui vous regarde (c’est à la fin de 1744). Le public ne me désavouera pas, et je vous défie de ne pas convenir de ce que je dis.

Le pape a envie que j’aille à Rome, et le roi de Prusse, que

  1. Voyez la lettre 1689.
  2. Des préliminaires de paix venaient d’être signés (le 26 décembre 1745) à Turin, entre la Sardaigne et la France, et le marquis d’Argenson y avait la plus grande part ; mais Elisabeth Farnèse, reine d’Espagne, refusa d’y accéder, et l’évêque de Rennes, Vauréal, en communiquant ce projet à la cour de Madrid, essuya les plus gros mots, dont la reine, selon le marquis d’Argenson, était prodigue en sa colère. (Cl.)
  3. Les redondillas sont des stances composées de quatre vers de huit syllabes, dont le premier rime ordinairement avec le quatrième, et le deuxième avec le troisième.
  4. Ce traité ne fut signé que le 18 octobre 1748.