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1782. — À M. DE CIDEVILLE.
Versailles, le 7 janvier 1746.

Mon cher ami, j’ai entendu dire en effet, dans ma retraite de Versailles, qu’après le départ[1] de M. le duc de Richelieu il était arrivé deux figures jouant de la flûte[2] en parties. Ma figure, dans ce temps-là, était fort embarrassée d’une espèce de dyssenterie qui m’a retenu quinze jours dans ma chambre, et qui m’y retient encore. L’air de la cour ne me vaut peut-être rien ; mais je n’étais point à la cour, je n’étais qu’à Versailles, où je travaillais à extraire, dans les bureaux de la guerre, des mémoires qui peuvent servir à l’Histoire dont je suis chargé. J’ai la bonté de faire, pour rien, ce que Boileau ne faisait pas, étant bien payé ; mais le plaisir d’élever un monument à la gloire du roi et à celle de la nation vaut toutes les pensions de Boileau. J’ai porté cet ouvrage jusqu’à la fin de la campagne de 1745 ; mais ma détestable santé m’oblige à présent de tout interrompre ; je suis si faible qu’à peine je puis tenir ma plume en vous écrivant ; je suis même trop mal pour me hasarder de me transporter à Paris. Voilà comment je passe ma vie mais les beaux-arts et votre amitié feront éternellement ma consolation. Adieu, mon cher ami.


1783. — À M. LE MARQUIS D’ARGENSON,
ministre des affaires étrangères.
Paris, le 8 janvier.

Je ne décide point entre Genève et Rome ;

(Henriade, ch. II, v. 5.)


mais, s’il vous plaît, monseigneur, mon paquet, s’il arrive, me vient de Rome, et celui qu’on m’a rendu vient de Genève, et vous appartient. Voici le fait quand on m’apporta le ballot de votre part, je vis des livres en feuilles, et je ne doutai pas que ce ne fussent des coglionerie italiane que m’envoyait le cardinal Passionei. Je dépêchai le tout chez Chenut, relieur du roi, et de moi indigne. Il s’est trouvé, à fin de compte, que le ballot contient le Dictionnaire du Commerce[3], imprimé à Genève. J’ai sur-le-

  1. Pour Calais.
  2. Dès 1738, Vaucanson avait exécuté son Flûteur automate.
  3. Ouvrage dans la composition duquel Jacques Savari fut encouragé par le père de MM. d’Argenson. Voyez tome XIV, page 136.