Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/472

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dais. Un secrétaire[1], que malheureusement Mme du Châtelet m’avait donné elle-même, avait pris la peine de transcrire, à Bruxelles, plusieurs de mes lettres et de celles de Mme du Châtelet, plusieurs même de Votre Majesté, et les avait mises en dépôt chez une marchande de Bruxelles, nommée Desvignes, qui demeure à l’enseigne du Ruban-Bleu. Cette femme en avait vendu une partie aux Ledet, qui les ont imprimées dans leur sixième volume ; et elle était en marché du reste, lorsque le roi mon maître prit Bruxelles[2]. Nous nous adressâmes sur-le-champ à M. de Séchelles[3], nommé intendant des pays conquis. Il fit une descente chez la Desvignes, se saisit des papiers, et les renvoya à Mme la marquise du Châtelet.

Au reste, sire, Mme du Châtelet et moi nous sommes toujours pénétrés de la même vénération pour Votre Majesté, et elle vous donne sans difficulté la préférence sur toutes les monades de Leibnitz. Tout sert à la faire souvenir de vous ; votre portrait, qui est dans sa chambre, à la droite de Louis XIV ; vos médailles, qui sont entre celles de Newton et de Marlborough ; votre couvert, avec lequel elle mange souvent ; enfin votre réputation, qui est présente partout et à tous les moments.

Pour moi, sire, je n’ai d’autre regret dans ce monde que celui de ne plus voir le grand homme qui en est l’ornement. J’achève paisiblement ma carrière, et je la finirai en vous protestant que j’aurai toujours vécu avec le plus véritable attachement et le plus profond respect, etc.


1847. ‑ AU MARÉCHAL DE BELLE-ISLE[4].
À Fontainebleau, le 27 octobre 1746.

Permettez, monseigneur, qu’un homme chargé d’écrire l’histoire de son temps vous remercie des sujets heureux que vous lui fournissez. Toutes les fois que la fortune seconde votre habileté et votre valeur, c’est une faveur qu’elle me fait. Ce n’est pas que j’aie besoin des succès pour être le plus constant de vos admirateurs ; mais il en faut pour vous et pour le public, qui juge par les événements. Il y a longtemps que je vous regarde comme un

  1. Longchamp, qui fut au service de Voltaire de 1746 à 1754, mais qui ne le suivit pas à Berlin en 1750.
  2. Bruxelles avait été pris par les Français en février 1746.
  3. Voyez la note, page 55.
  4. Classée à tort dans Beuchot à l’année 1752.