Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/477

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que vous voudrez bien lui donner. Je vous supplie donc, monsieur, d’avoir la bonté de lui faire dire de venir vous parler. Je me rendrai chez vous à l’heure que vous aurez prescrite. J’apporterai les preuves par écrit qui démontrent toutes ses calomnies. Il n’aura point de moi d’autres reproches, et j’ose me flatter qu’il sera si confondu et peut-être si touché qu’il préviendra lui-même la plus ample satisfaction que votre équité exigerait. C’est une affaire indépendante du procès et de la lacération du mémoire, sur laquelle j’insiste, et qui parait une suite naturelle de la condamnation des libelles diffamatoires. Ce n’est ici qu’un jugement de conciliation, un procédé d’honneur dont vous êtes le juge naturel. J’attends vos ordres, monsieur ; je viendrai m’informer chez vous du jour et de l’heure que vous aurez donnée à Rigoley et à moi. Il demeure rue Vivienne, chez M. de Saint-Julien, receveur général du clergé.

J’ai l’honneur d’être, avec la plus respectueuse reconnaissance, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Voltaire.

1853. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Berlin, 18 décembre.

Le marquis de Paulmy[1] sera reçu comme le fils d’un ministre français que j’estime, et comme un nourrisson du Parnasse accrédité par Apollon même. Je suis bien fâché que le chemin du duc de Richelieu ne le conduise pas par Berlin ; il a la réputation de réunir mieux qu’homme de France les talents de l’esprit et de l’érudition aux charmes et à l’illusion de la politesse. C’est le modèle le plus avantageux à la nation française que son maître ait pu choisir pour cette ambassade ; un homme de tout pays, citoyen de tous les lieux, et qui aura, dans tous les siècles, les mêmes suffrages que lui accordent Paris, la France, et l’Europe entière.

Je suis accoutumé à me passer de bien des agréments dans la vie. J’en supporterai plus facilement la privation de la bonne compagnie dont les gazettes nous avaient annoncé la venue.

Tant que vous ne mourrez que par métaphore[2], je vous laisserai faire. Confessez-vous, faites-vous graisser la physionomie des saintes huiles, recevez à la fois les sept sacrements, si vous le voulez ; peu m’importe ; cependant dans votre soi-disant agonie, je me garderai bien d’avoir autant de

  1. M. de Paulmy, fils du marquis d’Argenson, venait d’être nommé pour accompagner le duc de Richelieu dans son ambassade à Dresde.
  2. Boileau, satire ix, 264, a dit :
    Et toujours bien mangeant mourir par métaphore.