Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/508

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jamais, se porte merveilleusement bien ; elle vous fait les plus tendres compliments. Je ne sais si elle ne restera point ici tout le mois de février. Pour moi, qui ne suis qu’une petite planète de son tourbillon, je la suis dans son orbite, cahin-caha.

Je suis beaucoup plus aise, mon respectable et charmant ami, du succès de Marmontel que je ne serais content de la précipitation avec laquelle les comédiens auraient joué cette Sémiramis ; elle n’en vaudra que mieux pour attendre. J’aime beaucoup ce Marmontel ; il me semble qu’il y a de bien bonnes choses à espérer de lui.

J’ai vu jouer ici le Glorieux ; il a été cruellement massacré, mais la pièce n’a pas laissé de me faire un extrême plaisir. Je suis plus que jamais convaincu que c’est un ouvrage égal aux meilleurs de Molière, pour les mœurs, et supérieur à presque tous, pour l’intrigue. Zaïre a été jouée par des petits garçons et des petites filles, ex ore infantium[1].

Je ne peux donc, mes divins anges, sortir de Paris sans être exilé ! Vos gens de Paris sont de bonnes gens d’avertir les rois et les ministres qu’ils n’ont qu’à donner des lettres de cachet, et qu’elles seront toujours les très-bienvenues. Moi, une lettre à madame la dauphine[2] ! Non assurément.

Il est bien vrai que j’ai écrit quelque chose à une princesse, qui, après la reine et madame la dauphine, est, dit-on, la plus aimable de l’Europe. Il y a plus d’un an que cette lettre fut écrite, et je n’en avais donné de copie à personne, pas même à vous. Je n’en fais pas assez de cas pour vous la montrer mais dites bien, je vous prie, à toutes les trompettes que vous pourrez trouver en votre chemin, que je n’écris point à madame la dauphine. Le grand-père de son auguste époux rend ici mon exil prétendu fort agréable.

Il est vrai que j’ai été malade ; mais il y a plaisir à l’être chez le roi de Pologne ; il n’y a personne assurément qui ait plus soin de ses malades que lui. On ne peut être meilleur roi et meilleur homme.

Je serais charmé, en revenant auprès de vous, de me trouver

  1. 1. Psaume viii, vers 3.
  2. Il s’agit des stances à la princesse royale de Suède (voyez tome X, page 517), commençant ainsi :
    Souvent la plus belle princesse,
    qui avaient couru, et ont été imprimées sous l’adresse de madame la dauphine. On répandait le bruit que l’auteur avait été exilé par lettre de cachet, parce que ses vers semblaient être une critique de la cour de France. Voyez aussi la lettre suivante au président Hénault.