Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/510

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nui de l’étiquette, et de la nécessité de cultiver son esprit, je lui avais dit :


On croirait que le jeu console ;
Mais l’Ennui vient, à pas comptés,
S’asseoir entre des Majestés
À la table d’un cavagnole.

Car il faut savoir qu’on joue à ce beau cavagnole ailleurs qu’à Versailles. Au reste, monsieur, si la reine s’applique cette satire, je vous supplie de lui dire qu’elle a très-grande raison.


Un esprit fin, juste et solide,
Un cœur où la vertu réside,
Animé d’un céleste feu,
Modèle du siècle où nous sommes,
Occupé des grandeurs de Dieu,
Et du soin du bonheur des hommes,
Peut fort bien s’ennuyer au jeu ;
Et même son illustre père,
Des Polonais tant regretté,
Aux Lorrains ayant l’art de plaire,
Et qui fait ma félicité,
fourrait dire avec vérité
Que le jeu ne l’amuse guère.

Ainsi, dussé-je être coupable de lèse-majesté ou de lèse-cavagniole, je soutiendrai très-hardiment qu’une reine de France peut très-bien s’ennuyer au jeu, et que même toutes les pompes de ce monde ne lui plaisent point du tout. Il y a quelque bonne âme qui, depuis longtemps, m’a daigné servir auprès de la reine par des mensonges officieux ; mais vous, monsieur, qui êtes malin et malfaisant, je vous prie de lui dire les vérités dures que je ne puis dissimuler : ce sont des esprits malfaisants et méchants comme le vôtre qu’il faut employer, quand on veut faire des tracasseries à la cour ; j’oserais même proposer cette noirceur à M. le duc et à Mme  la duchesse de Luynes.


1884. — À M. MARMONTEL.
À Lunéville, 15 février.

Je vous avais déjà écrit, mon cher ami pour vous dire combien votre succès m’intéresse. J’avais adressé ma lettre chez un mar-