Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/537

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vous fait les plus tendres compliments. Comme notre cour est un peu voyageuse, je vous prie d’adresser vos ordres à la cour du roi de Pologne, en Lorraine. On ne laissera pas de la trouver.

P. S. Je serais très-fâché de passer pour l’auteur de Zadig, qu’on veut décrier par les interprétations les plus odieuses, et qu’on ose accuser de contenir des dogmes téméraires contre notre sainte religion. Voyez quelle apparence !

Mlle  Quinault, Quinault-comique[1], ne cesse de dire que j’en suis l’auteur. Comme elle n’y voit rien de mal, elle le dit sans croire me nuire ; mais les coquins, qui veulent y voir du mal, en abusent. Ne pourriez-vous pas étendre vos ailes d’ange gardien jusque sur le bout de la langue de Mlle  Quinault, et lui dire ou lui faire dire que ces bruits sont capables de me porter un très-grand préjudice ? Il faut que vous me défendiez à droite et à gauche. J’attends mille fois plus de vous et de vos amis que de tout ce que je pourrais faire à Fontainebleau. Ma présence, encore une fois, irriterait l’envie, qui aimerait bien mieux me blesser de près que de loin. Le mieux qu’on puisse faire, quand les hommes sont déchaînés, c’est de se tenir à l’écart. Je vous reverrai avant Noël, aimables soupeurs et preneurs de lait. Conservez-moi une amitié précieuse, qui console de tous les chagrins, et qui augmente tous les plaisirs.


1916. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Ce 11 octobre.

Belles âmes, ces représentations si justes, jointes à la chaleur de vos bons offices et aux mesures que je prends, me donnent lieu d’espérer qu’on parviendra à prévenir l’infamie avec laquelle on veut déshonorer la scène française, la seule digne en Europe d’être protégée. Continuez, mon cher et respectable ami, à défendre ce que vous avez fait réussir ; triomphez de la plus lâche cabale que l’on ait suscitée depuis Phèdre. Vous ferez beaucoup plus que moi-même. Ma présence animerait mes ennemis, qui voudraient me rendre témoin de l’opprobre qu’ils ont machiné ; et, si je ne réussissais pas à faire défendre leur malheureuse satire, je ne serais venu que pour réjouir leur malignité, et pour leur amener leur victime. Je me flatte toujours que M. l’abbé de Bernis ne vous refusera pas d’appuyer

  1. Voyez, tome XXXIV, la note de la lettre 575.