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1945. — À M. D’ARNAUD[1].
À Cirey, … janvier.

La malédiction, mon cher enfant, est sur nos paquets. Je me flatte qu’enfin on a trouvé à Paris, dans la bibliothèque du suisse de la maison, les papiers de milord Chesterfield ; mais pour celui du roi de Prusse, il lui est arrivé malheur. On a eu la bonté de le fourrer dans une botte qu’on envoyait à Mme du Châtelet par le courrier de Strasbourg. Ce grand courrier, qui court à dix lieues de Cirey et qui se soucie peu de cette botte non chargée à la poste, a passé son chemin sans songer à nous. Il y a huit jours que je devrais avoir reçu la lettre du Salomon et de l’Alexandre du Nord. Je vous prie de lui mander mon désastre, afin qu’il n’accuse pas mon silence ; il n’a déjà que trop de raisons de me condamner : je l’ai négligé autant que vous me négligez. Je suis aussi paresseux avec les rois que je vous ai reproché de l’être avec vos amis.

Faites, je vous prie, les plus tendres compliments de ma part à mon cher Isaac[2], que j’aime encore plus depuis qu’il vous a servi. Mettez-moi aux pieds de messieurs les princes de Wurtemberg.

Avez-vous vu Catilina ? On m’en écrit beaucoup de mal ; mais je n’en croirai que ce que vous m’en direz. Il y a dix ou douze personnes à Paris, tout au plus, qui se connaissent bien en vers, et vous êtes assurément du nombre. Vale.


1946. — À FRÉDÉRIC 11, ROI DE PRUSSE.
À Cirey, le 26 janvier.

Sire, je reçois enfin le paquet dont Votre Majesté m’a honoré, du 29 novembre. Un maudit courrier, qui s’était chargé de ce paquet, enfermé très-mal à propos dans une boîte envoyée de Paris à Mme du Châtelet, l’avait porté à Strasbourg, et de là dans la ville de Troyes, où j’ai été obligé de l’envoyer chercher.


Tous les amiraux d’Albion
Auraient eu le temps de nous rendre
Les ruines du Cap-Breton,
Et nous, le temps de les reprendre,

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. D’Argens.