Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/9

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a écrit de meilleur sur la philosophie de Leibnitz, et c’est une chose unique en son genre. Le livre du roi de Prusse est aussi singulier dans le sien mais je voudrais que vos occupations et vos bontés pour moi pussent vous permettre de m’en dire votre avis.

J’oserais souhaiter encore que vous me marquassiez si on ne désire pas qu’après avoir écrit comme Antonin, l’auteur vive comme lui. Je voudrais enfin quelque chose que je pusse lui montrer. Il m’a parlé souvent de ceux qui font le plus d’honneur à la France ; il a voulu connaître leur caractère et leur façon de penser je vous ai mis à la tête de ceux dont on doit rechercher le suffrage. Il est passionné pour la gloire. Je l’ai quitté, il est vrai je l’ai sacrifié, mais je l’aime et, pour l’honneur de l’humanité, je voudrais qu’il fût à peu près parfait, comme un roi peut l’être.

Le sentiment des hommes de mérite peut lui faire beaucoup d’impression. Je lui enverrais une page de votre lettre, si vous le permettiez. Son expédition de la Silésie[1] redouble l’attention du public sur lui. Il peut faire de grandes choses et de grandes fautes. S’il se conduit mal, je briserai la trompette que j’ai entonnée.

M. de Valori n’a pas à se plaindre de la façon dont le roi de Prusse pense sur lui il le regarde comme un homme sage et plein de droiture c’est sur quoi M. de Valori peut compter. Puisse-t-il rester longtemps dans cette cour ! et puissent les couteaux qu’on aiguise de tous côtés se remettre dans le fourreau !

Mais, qu’il y ait guerre ou paix, je ne songe qu’à l’amitié et à l’étude. Rien ne m’ôtera ces deux biens celui de vous être attaché sera pour moi le plus précieux. Il y a à Bruxelles deux cœurs qui sont à vous pour jamais. Mon respectueux dévouement ne finira qu’avec ma vie.


1400. À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[2].
À Bruxelles, ce 16 janvier (1741).

Je reçois mon cher ami, votre lettre du 13, avec un petit billet concernant le sieur Lemoine. Je pourrai le servir auprès de M. d’Argenson, nouveau chancelier.

  1. La marquise du Châtelet écrivait à d’Argental, le 3 janvier 1741 « Je ne crois pas qu’il y ait une plus grande contradiction que l’invasion de la Silésie et l’Anti-Machiavel : mais il (Frédéric) peut prendre tant de provinces qu’il voudra, pourvu qu’il ne prenne plus ce qui fait le charme de ma vie. »
  2. Édition Courtat.