Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/8

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Ce petit article passé, je vous prie de semoncer un peu mes illustres débiteurs, tant Richelieu que Villars et autres. Comment faire avec M. d’Estaing ? Je vous reprie encore de voir Camuzat, de vous informer des terres de ce seigneur non payant. Mon confrère en infortune ne peut-il rien vous dire ? J’ai reçu le livre imprimé par la veuve ; je vais le lire, et j’en rendrai compte incessamment.

Vous avez donné cinquante louis à Mme  du Châtelet ; vous allez donner mille livres à M. du Châtelet cependant je vais encore tirer sur vous et vous épuiser.

Je vous remercie toujours du secret inviolable que vous gardez avec tout le monde sans exception sur mes petites affaires. Je vous prie, en attendant mieux, de faire une petite gratification de cinquante livres à monsieur votre frère.


1399. À M. LE MARQUIS D’ARGENSON,
à paris.
À Bruxelles, ce 8 de janvier.

J’ai été un mois en route, monsieur, de Berlin à Bruxelles. J’ai appris, en arrivant, votre nouvel établissement[1] et vos peines. Voilà comme tout est dans le monde. Les deux tonneaux de Jupiter ont toujours leur robinet ouvert ; mais enfin, monsieur, ces peines passent, parce qu’elles sont injustes, et l’établissement reste. J’en ai quitté un assez brillant et assez avantageux. On m’offrait tout ce qui peut flatter on s’est fâché de ce que je ne l’ai point accepté. Mais quels rois, quelles cours et quels bienfaits valent une amitié de plus de dix années ? À peine m’auraient-ils servi de consolation si cette amitié m’avait manqué. J’ai eu tout lieu, dans cette occasion, de me louer des bontés de M. le cardinal de Fleury ; mais il n’y a rien pour moi dans le monde que le devoir sacré qui m’arrête à Bruxelles. Plus je vis, plus tout ce qui n’est pas liberté et amitié me parait un supplice. Que peut prétendre de plus le plus grand roi de la terre ? Voilà pourtant ce qui est inconnu des rois et de leurs esclaves dorés. Vos affaires vous auront-elles permis, monsieur, de lire un peu à tête reposée l’ouvrage du Salomon du Nord, et celui de la reine de Saba[2] ? Je ne doute pas du jugement que vous aurez porté sur les Institutions de physique ; c’est assurément ce qu’on

  1. Il succédait à son frère dans la place de chancelier du duc d’Orléans.
  2. Le roi de Prusse et Mme  du Châtelet.