Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/111

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son ouvrage. Peut-être étaient-ce des idées jetées sur le papier ; peut-être l’ouvrage de sa vieillesse ; peut-être ne voulait-i] pas dire tout ce qu’il pensait, pour se faire regretter d’autant plus. Si j’avais vécu avec ce cardinal, j’en parlerais plus positivement ; à présent je ne peux que deviner.


Des grandeurs et des petitesses,
Quelques vertus, plus de faiblesses,
Font le bizarre composé
Du héros le plus avisé :
Il jette un rayon de lumière ;
Mais ce soleil, dans sa carrière,
Ne brille pas d’un feu constant.
L’esprit le plus profond s’éclipse ;
Richelieu fit son Testament,
Et Newton son Apocalypse.

Je ne souhaite, pour la nouvelle année, que de la santé et de la patience à l’auteur de la Henriade. S’il m’aime encore, je le verrai face à face, je l’admirerai à Sans-Souci, et je lui en dirai davantage.


2059. — À MADEMOISELLE CLAIRON.
Janvier.

On a un peu forcé nature pour mériter les bontés de Mlle Clairon, et cela est bien juste. Elle trouvera dans son rôle plusieurs changements. On a fait d’ailleurs un cinquième acte tout nouveau ; il est copié et porté sur les rôles. Mlle Clairon est suppliée de vouloir bien se trouver demain aux foyers. Elle sera le soutien d’Oreste, si Oreste peut se soutenir. Mme Denis lui fait les plus tendres compliments, et Voltaire est à ses pieds. Il lui demande pardon, à genoux, des insolences dont il a chargé son rôle, Il est si docile qu’il se flatte que des talents supérieurs aux siens ne dédaigneront pas, à leur tour, les observations que son admiration pour Mlle Clairon lui a arrachées. Il est moins attaché à sa propre gloire (si gloire y a) qu’à celle de Mlle Clairon.

En général, je suis persuadé que si la pièce peut réussir chez les Français, toute grecque qu’elle est, votre rôle vous fera un honneur infini, et forcera la cour à vous rendre toute la justice que vous méritez. M. le maréchal de Richelieu dit que vous avez joué supérieurement, et que jamais actrice ne lui a fait plus d’impression ; mais il trouve aussi que vous avez un peu trop mis d’adagio. Il ne faut pas aller à bride abattue ; mais toute tirade demande à être un peu pressée : c’est un point essentiel.

Il y en a deux qui exigent une espèce de déclamation qui n’appartient qu’à vous, et qu’aucune actrice ne pourrait imiter.