Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/120

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Là sous d’ombrages admirables,
Des myrtes mêlés de lauriers,
Je vis des plus fameux guerriers
Les fantômes incomparables :
« De ces illustres meurtriers
Fuyons, me dit-il, au plus vite,
Des beaux esprits cherchons l’élite. »

Plus loin, sous un bois d’oliviers
Entremêlés de peupliers,
Je vis Virgile avec Homère ;
Tous deux paraissaient en colère ;
Je vis Horace qui grondait.
Et Sophocle qui murmurait.

Une ombre qui de notre sphère
Dans ces lieux descendit naguère,
Tous quatre les entretenait,
Et j’entendis qu’elle contait
Qu’en ce monde certain Voltaire
De cent piques les surpassait.

C’était la divine Émilie,
Qui jusque dans ces lieux portait
L’image de ce qu’en sa vie
Le plus tendrement elle aimait.

Mais ces morts entrant en furie,
Sentaient encor la jalousie
Qui lutine les beaux esprits.
Ils avisèrent par folie
De venger leur gloire avilie ;
Ils appelèrent à grands cris
Un monstre qu’on nomme l’Envie,
Sèche et décrépite harpie,
Qui hait la gloire et les écrits
De tous les nourrissons chéris

  • De Mars, d’Apollon, de Minerve.


« Allez, dirent-ils, à Paris,
Sur ce Voltaire et sur sa verve
Exercez toutes vos noirceurs ;
Complotez, tramez des horreurs ;
Allez soulever le Parnasse,
Que le moindre scribe croasse ;
Envenimez les rimailleurs ;
Il est coupable, il nous surpasse.
Punissez-le de son audace ;
Que sans cesse en butte à vos traits,
Il déteste tous ses succès ;
Embouchez le sifflet funeste,
Et, soutenant nos intérêts,
Faites surtout tomber Oreste. »