Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/135

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mauvaise santé ne me permet guère d’être ailleurs, et mon amitié pour lui ne me permet pas de n’être pas témoin de son triomphe. Cléopâtre aura un succès prodigieux. Celle de notre académicien La Chapelle en eut, et dix vers de M. de Marmontel valent cent fois mieux que tous ceux de notre académicien. Je veux voir votre triomphe et le sien. Je vous prie de me faire savoir si je ne le gênerai point, et s’il peut me recevoir. Regardez-moi, je vous en prie, comme un serviteur qui vous admire.


2085. — À M. D’ARNAUD[1].
À Paris, le 19 mai.

Vous voilà donc, mon cher enfant,
Dans votre gloire de niquée[2],
Près du bel esprit triomphant
Par qui Minerve heureusement
Ainsi que Mars est invoquée,
Et que l’Autriche provoquée
Admire encore en enrageant !
Quant à notre muse attaquée
Par maint rimailleur indigent,
Dont la cervelle est détraquée,
Cette canaille assurément
Du public est peu remarquée.
Que le seul Frédéric le Grand
Tienne votre vue appliquée !
Si l’Envie est un peu piquée
Contre votre bonheur présent,
Laissons sa rage suffoquée,
Honteuse, impuissante, et moquée,
Se débattre inutilement.
Une belle est-elle choquée
Par le propos impertinent
De quelque vieille requinquée ?
Elle en rit, j’en dois faire autant.

Qu’importe, mon cher d’Arnaud, que ce soit ou Mouhy ou Fréron qui fasse la Bigarrure, le Réservoir, le Glaneur, et toutes les sottises que nous ne connaissons pas dans ce pays-ci ? Les Alle-

  1. D’Arnaud répondit à cette lettre le 31 du même mois. Voyez la lettre 2088.
  2. Voyez le huitième livre d´Amadis des Gaules, chap. xxiv. Mme de Sévigné a employé cette expression dans ses lettres des 11 juin, 20 et 30 juillet 1676 ; La Mésangère en donne l’explication dans son Dictionnaire des proverbes, troisième édition, page 426.