Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et que vous avez très-bien soutenu les fatigues du voyage. Si Votre Altesse royale peut parvenir à avoir un corps digne de son âme, et une santé égale à sa beauté, qu’aurez-vous à désirer dans le monde ? Peut-être, madame, sentez-vous le besoin de faire de nouveaux heureux, en approchant encore de votre personne quelques gens de bonne compagnie dignes de vous voir et de vous entendre. Ne pouvant aller sitôt à Paris, j’ai chargé ma nièce de chercher une dame de condition, veuve, qui ait de l’esprit, des lettres et de la conversation. Peut-être que l’envie d’obéir à vos ordres lui fera trouver ce qu’il faut à Votre Altesse royale. Du moins je vous réponds, madame, qu’elle y fera tous ses efforts, et que Votre Altesse royale pourra accepter de sa main la personne qu’elle présentera. Je persiste toujours à penser que le marquis d’Adhémar, déjà connu à votre cour, serait un homme bien convenable. Je réponds hardiment de sa sagesse, de son esprit et de sa valeur. Je ne crois pas que monseigneur le margrave puisse jamais faire un meilleur choix. J’attendrai sur cela vos ordres. Je suis plus sûr de la bonne acquisition que ferait votre cour que je ne le suis des dispositions présentes du marquis d’Adhémar ; mais, ayant eu le bonheur d’approcher de Votre Altesse royale, peut-on douter qu’il ne veuille se fixer à son service ? Privé comme je le suis du bonheur de passer ma vie à vos pieds et à ceux de monseigneur le margrave, je serais heureux d’y savoir mon ami.

Vous savez sans doute, madame, que le roi a ordonné à d’Arnaud de partir dans vingt-quatre heures. Il est à Dresde, où il se vante des bonnes fortunes de la cour de Berlin.

Je suis, avec le plus profond respect, de Votre Altesse royale le très-humble et très-soumis serviteur.

Voltaire.

2157. — DE MADAME LA MARGRAVE DE BAIREUTH.
Le 10 décembre.

Je vous ai promis, monsieur, de vous écrire, et je vous tiens parole. J’espère que notre correspondance ne sera pas aussi maigre que nos deux individus, et que vous me donnerez souvent sujet de vous répondre. Je ne vous parlerai point de mes regrets, ce serait les renouveler. Je suis sans cesse transportée dans votre abbaye[1], et vous jugez bien que celui qui en est abbé m’occupe toujours. Je me suis acquittée de vos commissions auprès

  1. Ou monastère, moitié militaire, moitié littéraire, dont Frédéric, frère de la margrave, était l’abbé ; voyez les lettres 2148 et 2221.