Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/232

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aussi facilement. Je suis très-affligé d’avoir un procès ; mais, s’il n’y a point d’autre moyen d’avoir justice ; si Hirschell veut abuser de ma facilité pour me voler environ onze mille écus ; si quelques conseillers ou avocats, ou M, de Kircheisen, ne peuvent être chargés de prévenir le procès et d’être arbitres ; s’il faut que je plaide contre un juif que j’ai convaincu d’avoir agi contre sa signature, c’est un malheur qu’il faut soutenir comme bien d’autres ; la vie en est semée. Je n’ai pas vécu jusqu’à présent sans savoir souffrir ; mais le bonheur de vous admirer et de vous aimer est une consolation bien chère.



2168. — À MADAME DENIS.
À Berlin, le 3 janvier.

Ma chère enfant, je vais vous confier ma douleur. Je ne veux plus garder de filles. Vous connaissez Jeanne, cette brave Pucelle d’Orléans, qui nous amusait tant, et que j’ai chantée dans un autre goût que celui de Chapelain. Cette Pucelle, faite pour être enfermée sous cent clefs, m’a été volée. Ce grand flandrin de Tinois n’a pas résisté aux prières et aux présents du prince Henri, qui mourait d’envie d’avoir Jeanne et Agnès en sa possession. Il a transcrit le poëme, il a livré mon sérail au prince Henri pour quelques ducats. J’ai chassé Tinois ; je l’ai renvoyé dans son pays.

    du 8 mai 1748, défendit l’admission de ces billets en Prusse. Voltaire, le 23 novembre 1750, s’entendit avec un banquier juif du nom de Hirsch ou Hirschell, afin que celui-ci allât à Dresde lui acheter des billets de la Steuer à 35 pour cent de perte. Il lui donna une lettre de change de 40,000 livres sur Paris, une de 4,000 écus sur le banquier Éphraim, une de 4,400 écus sur le père de Hirsch. Hirsch lui remettait des diamants pour sûreté de la somme de 18,430 écus. Après le départ de Hirsch, Voltaire, ayant reçu sans doute quelque avertissement, change brusquement d’idée, fait protester la lettre de change de 40,000 livres sur Paris, et défend à Hirsch d’acheter un seul billet pour son compte. Hirsch revient à Berlin. Voltaire achète pour 3,000 écus de brillants parmi ceux que le juif avait déposés entre ses mains. Voltaire portait plainte, le 10 décembre, contre le juif, tant pour obtenir le remboursement des valeurs à lui confiées que pour faire déclarer la vente des brillants faite à un prix excessif. Le grand chancelier Cocceji leur donna assignation à comparaître devant lui le 4 janvier 1751. Hirsch prétendit qu’un arrêté de comptes relatif à la vente des bijoux avait été altéré. Il prétendit même que des bijoux avaient été substitués à d’autres. Le jugement fut publié le 18 février. Il condamnait Hirsch à restituer dix mille écus de lettres de change ; il admettait Voltaire au serment, moyennant quoi les diamants seraient prisés par experts. Voltaire, pour éviter les lenteurs auxquelles l’exposerait cette prisée juridique, voulut entrer en arrangement. Les deux contendants furent appelés en conciliation devant le conseiller intime Ulrich, le 26 février ; et Voltaire, pressé d’en finir, accepta toutes les propositions du juif.