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s’attendre. Lisez bien mon gros paquet que d’Hamon doit vous rendre, et envoyez-moi vos ordres par le courrier de Hambourg. D’Hamon[1] est un vrai nom de comédie ; mais il ne joue que sa comédie de négociateur. Pour moi, je ne m’accoutume ni au rôle que je joue ni à votre absence, soyez-en bien convaincue.


2175. — À M. DARGET.
À Berlin, 18 janvier 1751.

Mon aimable ami, on me mande toujours de Paris que je ne dois compter que sur vous ; on a bien raison. Ce n’est pas des âmes cachées ou dures qu’il faut attendre de la consolation dans ce monde. C’est d’un cœur tendre, ouvert et vrai comme le vôtre. Je me garderai bien de détailler mon affaire à des gens qui raisonnent sèchement sur le bonheur, mais à vous, qui faites celui de la société, je vous dirai que j’ai reçu une lettre de Leipsick ; elle est du sieur Homan, fameux négociant, qui même est dans la magistrature. Le juif ajoutait à toutes ses fraudes celle de redemander cinq cents écus pour les frais, au nom de ce Homan, outre près de deux cents que cet échappé d’Amalec m’avait extorqués pour ses prétendus frais de lettres de change. Homan m’a mandé qu’il n’y a eu aucuns frais, qu’il n’a jamais rien redemandé, ni au juif, ni à personne, pour cette affaire. J’ai sur-le-champ remis le témoignage d’Homan entre les mains des juges.

Ce même Homan a eu la probité de renvoyer des lettres de Hirschell, par lesquelles il est évident que j’aurais perdu les dix mille écus de lettres de change si je ne m’étais adressé à la justice. J’apprends en même temps de Dresde que ce juif y a acheté beaucoup de billets de la Steuer. Apparemment que ceux qui les ont n’ont pas été fâchés de mettre sur mon compte l’avantage qu’ils ont eu. Il y a sur cela bien des mystères d’iniquité depuis deux mois. On dit d’abord au roi que j’avais envoyé Hirschell à Dresde, dans le temps même que je lui faisais défense de rien acheter pour moi, et que je protestais, à Paris, les lettres de change que les séductions de ce misérable avaient arrachées à ma facilité.

On a depuis dicté tout au long des lettres à Hirschell contre moi, que ce juif a osé adresser à Sa Majesté. On l’a assuré d’une protection continuelle. Le frère d’Hirschell est venu même

  1. Voltaire écrivait Damon et d’Ammon, mais il s’inquiétait peu de l’orthographe des noms propres. Voyez sa lettre du 15 avril 1768, à d’Hamon.