Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/248

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de décembre[1], quand le chambellan d’Hamon fut nommé pour aller à Paris conclure une petite affaire. Son départ a été longtemps retardé. Je le crois arrivé à présent. Un ministre qui se porte bien peut voyager au milieu des neiges ; mais, dans l’état où je suis, il faut que j’attende une saison moins rude. Adieu ; je ne ferai plus de compliments à aucun de vos amis, ils me croient trop un homme de l’autre monde.


2182. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.

Sire, Votre Majesté joint à ses grands talents celui de connaître les hommes. Mais, pour moi, je ne comprends pas comment, dans ma retraite (royale à la vérité, mais encore plus philosophique) dans laquelle on n’a rien à se disputer, et qui devrait être l’asile de la paix, le diable peut encore semer sa zizanie. Pourquoi souleva-t-on d’Arnaud contre moi ? pourquoi le rendit-on méchant ? Pourquoi corrompit-on mon secrétaire[2] ? Pourquoi m’a-t-on attaqué auprès de vous par les rapports les plus bas et par les détails les plus vils ? Pourquoi vous fit-on dire, dès le 29 novembre, que j’avais acheté pour quatre-vingt mille écus de billets de la Stère[3], tandis que je n’en ai jamais eu un seul, et qu’ayant été publiquement sollicité par le juif Hirschell d’en prendre comme les autres, et ayant consulté le sieur Kircheisen sur la nature de ces effets, j’avais, dès le 24 novembre, révoqué mes lettres de change, et défendu à Hirschell de prendre pour moi un seul billet en question ? Pourquoi dicta-t-on à Hirschell une lettre calomnieuse adressée à Votre Majesté, lettre dont tous les points sont reconnus autant de mensonges par un jugement authentique ? Pourquoi osa-t-on dire à Votre Majesté que l’arrêt nécessaire de la personne de ce juif, arrêt sans lequel j’aurais perdu dix mille écus de lettres de change, arrêt fait selon toutes les règles, était contre toutes les règles ? Pardon, sire ; que votre grand cœur me permette de continuer. Pourquoi poursuivre ainsi auprès de vous un malheureux étranger, un malade, un solitaire, qui n’est ici que pour vous seul, à qui vous

  1. Voyez la lettre 2154.
  2. Tinois : voyez les lettres 2022 et 2168.
  3. Steuer, banque. On appela Steuer-Cheine des billets faits en Saxe pour payer les contributions imposées à ce pays pendant la guerre de Sept ans. Les porteurs de ces valeurs devaient en toucher non-seulement les intérêts, mais encore le capital dans un temps déterminé. Quoique tous ces billets, d’après le traité de Dresde, ne dussent être l’objet d’aucun trafic, la spéculation s’en était emparée.