Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/340

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moment à mériter votre amitié et votre suffrage. Je me recommande aux bontés de toute votre société. Je prie ma nièce de me faire réponse sur tous les petits articles qu’elle a peut-être oubliés en faveur de Rome et de la Mecque, qui l’occupent. Adieu, comptez que vous n’avez jamais été aimé si tendrement à Paris que vous l’êtes à trois cent lieues.


2288. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.

Sire, si vous aimez des critiques libres, si vous souffrez des éloges sincères, si vous voulez perfectionner un ouvrage que vous seul, dans l’Europe, êtes capable de faire, Votre Majesté n’a qu’à ordonner à un solitaire de monter.

Ce solitaire est aux ordres de Votre Majesté pour toute sa vie.


2289. — À M. DARGET.
1751.

Mon cher et aimable ami, miseriis hominum succurrere discis[1]. Dans le temps que la mort, escortée du scorbut, me talonne, le sieur Henning facit meos canos descendere cum amaritudine ad inferos[2]. Ce monsieur, qu’on dit dévot, a fait mettre dans les gazettes de Hambourg qu’il avait à vendre la traduction allemande du Siècle de Louis XIV. Il est évident qu’il n’a nul droit d’avoir fait traduire cet ouvrage ; qu’il viole un dépôt, et qu’il me vole. Il est soupçonné d’une autre perfidie, d’avoir vendu l’original à des libraires, et les présomptions contre lui sont très-fortes. Je vous supplie, au nom de notre amitié et de votre caractère bienfaisant, de lui représenter sa turpitude, et de lui dire que je me plaindrai au roi, et qu’il sera perdu dans ce monde-ci et dans l’autre. Parlez-lui fortement, employez votre vertu et votre éloquence. Ne serai-je venu dans ce pays-ci que pour être volé, tantôt par un juif, tantôt par un imprimeur ? pour essuyer tant de malheurs, et pour y mourir dans le désespoir d’avoir sacrifié ma patrie à mon inutile tendresse pour le roi ? Adieu.

  1. Miseris succurrere disco. (Virgile, Æneid., I, 629.)
  2. Il y a dans la Genèse, xliv, 29 : Deducetis canos meos cum mœror' ad inferos.