Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/352

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envoie prier La Mettrie de venir le voir pour le guérir ou pour l’amuser. Le roi a bien de la peine à lâcher son lecteur, qui le fait rire, et avec qui il joue. La Mettrie part, arrive chez son malade dans le temps que Mme  Tyrconnell se met à table ; il mange et boit, et parle, et rit plus que tous les convives ; quand il en a jusqu’au menton, on apporte un pâté d’aigle déguisé en faisan, qu’on avait envoyé du Nord, bien farci de mauvais lard, de hachis de porc, et de gingembre ; mon homme mange tout le pâté, et meurt le lendemain chez milord Tyrconnel, assisté de deux médecins dont il s’était moqué. Voilà une grande époque dans l’histoire des gourmands.

Il y a actuellement une grande dispute pour savoir s’il est mort en chrétien ou en médecin. Le fait est qu’il pria le comte de Tyrconnell de le faire enterrer dans son jardin. Les bienséances n’ont pas permis qu’on eût égard à son testament. Son corps, enflé et gros comme un tonneau, a été porté, bon gré, mal gré, dans l’église catholique, où il est tout étonné d’être. Ma chère enfant, les chênes[1] tombent, et les roseaux demeurent. Le roi a fait pour moi une ode pour m’exhorter à vieillir et à mourir. J’ai bien corrigé son ode[2], et je ne m’en porte pas mieux. Il me traite vraiment de divin, comme le peintre Pesne[3]. Nous savons ce que ces mots-là signifient. Cette lettre vous sera rendue par le Tartare païen de milord Maréchal, qu’il a dépêché ici. Dieu conduise ce bon Calmouck au plus vite !


2306. — À M. FALKENER[4].
Potsdam, 27 novembre 1751.

Dear sir, the printers at Berlin are not so careful and so diligent in working for me, as you are beneficent and ready to favour your friends. They have not yet finished their edition ; and I am afraid the winter season will not be convenient to direct to you, by the way of Hamburgh, the tedious lump of books I have threatened you with. However I shall make use of your kind benevolence towards your hold friend, as soon as possible. I wish I could carry the paquet myself, and enjoy again the conso-

  1. La Fontaine, livre I, fable xxii.
  2. Ode à Voltaire : qu’il prenne son parti sur les approches de la vieillesse et de la mort.
  3. Voyez la lettre 2277.
  4. Éditeurs, de Cayrol et François.