Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/366

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Il y a quelques endroits sur lesquels je pourrais faire quelques représentations, comme sur le prince de Vaudemont : il ne s’agit pas là du père, mais du fils, qui était dans le parti des Impériaux, et qu’on appelait alors le prince de Commercy.

Si vous pouvez croire sérieusement que le vicomte de Turenne changea de religion, à cinquante ans, par persuasion, vous avez assurément une bonne âme. Cependant si, en faveur du préjugé, il faut adoucir ce trait, de tout mon cœur ; je ne veux point choquer d’aussi grands seigneurs que les préjugés.

À l’égard du canon que Mademoiselle fit tirer, l’ordre ne fut signé qu’après coup, et vous reconnaissez bien là l’incertitude et la faiblesse de Gaston.

Je pourrais, si je voulais, me justifier du reproche que vous me faites d’avilir le grand Condé ; il me semble que rien ne serait plus aisé. Si c’est du premier tome que vous parlez, sa retraite à Chantilly est celle de Scipion à Linterne, et de Marlborough à Blenheim ; si c’est du deuxième volume, il s’en faut bien que je dise qu’il mourut pour avoir été courtisan. Je réponds seulement à tous les historiens qui ont faussement avancé qu’il s’était opposé au mariage de son fils avec une fille de Mme de Montespan. C’est vous autres, messieurs, qui avez la tête pleine de la faiblesse qu’eut le prince de Condé, les dernières années de sa vie ; et vous croyez que j’ai dit ce que vous pensez. Mais, en vérité, je n’en dis rien, quoiqu’il fût très-permis de l’écrire. Au reste, je jetterais mon ouvrage au feu si je croyais qu’il fût regardé comme l’ouvrage d’un homme d’esprit.

J’ai prétendu faire un grand tableau des événements qui méritent d’être peints, et tenir continuellement les yeux du lecteur attachés sur les principaux personnages. Il faut une exposition, un nœud et un dénoûment dans une histoire, comme dans une tragédie ; sans quoi on n’est qu’un Reboulet, ou un Limiers, ou un La Hode[1]1. Il y a d’ailleurs, dans ce vaste tableau, des anecdotes intéressantes. Je hais les petits faits ; assez d’autres en ont chargé leurs énormes compilations.

Je me suis piqué de mettre plus de grandes choses, dans un seul petit volume, qu’il n’y en a dans les vingt tomes de Lamberti[2]. Je me suis surtout attaché à mettre de l’intérêt dans une histoire que tous ceux qui l’ont traitée ont trouvé, jusqu’à

  1. Voyez la note de Voltaire, tome XIV, page 386.
  2. La seconde édition des Mémoires de Lamberti n’a que quatorze volumes (voyez la note, tome XVI, page 588). Il se peut qu’au lieu de Lamberti Voltaire