Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/382

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Je ne sais si les exemplaires qui vous sont enfin parvenus sont corrigés ou non ; mais il y en a un entre les mains de Mme  Denis, où il y a plus de corrections que de feuillets. C’est celui-là qui est destiné pour l’impression, en cas que le président Hénault ait, comme je l’espère, la vertu et le courage de dire à M. d’Argenson qu’une histoire n’est point un panégyrique, et que, quand le mensonge paraît à Paris sous les noms de Limiers, de La Martinière, de Larrei, et de tant d’autres, la vérité peut paraître sous le mien.

J’envoie aussi à ma nièce une préface pour Rome, en cas que La Noue ne fasse pas siffler cette pièce. La Noue, Cicéron ! cela est bien pis que de préférer Mlle  Clairon à Mlle  Gaussin. Je vous avoue que ce singe me fait trembler. Quoi ! ni voix, ni visage, ni âme, et jouer Cicéron ! Cela seul serait capable d’augmenter mes maux ; mais je ne veux pas mourir des coups de La Noue. Je laisserai paisiblement le parterre de Paris tourner Cicéron en ridicule. Nos Français sont tous faits pour se moquer des grands hommes, surtout quand ils paraissent sous de si vilains masques. Mlle  Clairon ne fera certainement pas pleurer, et La Noue fera rire. Je suis bien aise d’être malade avant cette catastrophe, car on dirait que c’est la chute de Rome qui m’écrase. Bonsoir, portez-vous bien. Il est juste que le Catilina de Crébillon soit honoré, et le mien honni ; mais vous êtes mon public, mes chers anges.


2330. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
(Février.)

Sire, je mets aux pieds de Votre Majesté un ouvrage que j’ai composé en partie dans votre maison, et je lui en présente les prémices longtemps avant qu’il soit publié. Votre Majesté est bien persuadée que, dès que ma malheureuse santé me le permettra, je viendrai à Potsdam sous son bon plaisir.

Je suis bien loin d’être dans le cas d’un de vos bons mots, qu’on vous demande la permission d’être malade. J’aspire à la seule permission de vous voir et de vous entendre. Vous savez que c’est ma seule consolation, et le seul motif qui m’a fait renoncer à ma patrie, à mon roi, à mes charges, à ma famille, à des amis de quarante années ; je ne me suis laissé de ressource que dans vos promesses sacrées, qui me soutiennent contre la crainte de vous déplaire.

Comme on a mandé à Paris que j’étais dans votre disgrâce, j’ose vous supplier très-instamment de daigner me dire si je vous ai déplu en quelque chose. Je peux faire des fautes ou par igno-